L’indépendance par la démocratie
Un débat sur la télévision publique va avoir lieu. C’est le cas après toute échéance politique majeure. En particulier sur la question de son indépendance. Nous considérons que le renouveau démocratique de la télévision publique est la seule vraie garantie de son indépendance. Mais avant de proposer le cadre d’un nouveau débat, vidons les faux débats.
Il s’agit en général de critiquer le service public de l’audiovisuel qui serait trop gros, trop lourd, trop cher.
Comparons notre télévision publique aux autres services publics européens.
D’abord trop gros ; il y aurait trop de chaines ; alors que les groupes en France et en Europe, privés comme publics élargissent leurs offres de chaines.
C’est le cas de Canal+, TF1 et M6 qui créent de nouvelles chaines ou en rachètent.
Mais les services publics européens qui nous servent d’exemples, la BBC en Grande Bretagne et l’ARD et la ZDF en Allemagne font la même chose.
C’est d’ailleurs la bonne stratégie. A l’heure du numérique, de la multiplication des réseaux et des écrans et de la fragmentation de la consommation audiovisuelle.
Pourquoi faudrait-il faire la « fine bouche » quand il s’agit de la télévision publique française.
Après trop gros, trop lourd. Avec la question du nombre de collaborateurs. Ils seraient trop nombreux.
Là aussi regardons les services publics européens : la BBC pour la Grande Bretagne et l’ARD et la ZDF pour l’Allemagne.
Comparons quelques ratios simples : volumes d’heures diffusées et produites de programmes et d’information rapportés au nombre de salariés.
Que constatons-nous ? Que le service public Français tient tout à fait la comparaison.
Troisième terme : après trop gros et trop lourd, trop cher.
La question du coût de la télévision publique est certes d’actualité. En ces temps de crise et de nécessaire maitrise des dépenses publiques.
Là également pratiquons la comparaison. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. France télévision est le service public de taille comparable le moins cher quand on le compare à ses homologues européens.
On peut conclure ainsi que la télévision publique française, par rapport aux autres services publics en Europe n’est ni plus grosse, ni plus lourde, ni plus chère.
Une fois ce débat récurrent vidé, il nous faut poser les termes d’une nouvelle indépendance pour la télévision publique.
Et on ne peut pas se contenter de se contenter de changer la nomination par l’état du patron du service public.
Il faut aller plus loin. En particulier remettre la démocratie au cœur de son identité et de son fonctionnement.
Pour éclairer cet enjeu là également regardons ce qui se passe dans les autres pays européens et notamment en Grande Bretagne avec la BBC.
La comparaison est là encore édifiante. Que constatons-nous ?
D’un coté, un service public français qui, à travers les versions successives des cahiers des charges et des Contrats d’Objectifs et de Moyens, s’est progressivement replié sur le seul soutien à la production audiovisuelle.
C’est très bien que le service public soit invité à jouer ce rôle.
Mais c’est insuffisant. On ne peut pas construire les missions d’un service public sur, pour l’essentiel, le soutien au secteur économique dont il fait partie.
Où est le téléspectateur dans les textes qui fondent la télévision publique en France ?
On parle pour lui. Mais on ne lui demande en fait jamais réellement son avis. Et ce ne sont pas les études quantitatives ou qualitatives qui peuvent parler à sa place. Comme si les sondages remplaçaient le vote !
Nous avons à faire en France à une télévision publique où les téléspectateurs sont en réalité absents.
Même si tout ce qui concerne le service public de l’audiovisuel se fait apparemment en leurs noms en particulier dans le domaine de la culture.
Mais il s’agit en fait de besoins et de souhaits supposés. On parle au nom du public mais en le tenant en fait à l’écart.
Les citoyens ne sont ni consultés ni associés à leur télévision publique. Encore moins forces de propositions et de contrôle.
Il ne faut pas s’étonner que dans ces conditions le public se soit d’ailleurs éloigné ou que la diversité de la société ait tant de mal à être représentée.
Et ce ne sont pas les producteurs, les auteurs, les salaries et les journalistes du service public qui peuvent pallier cette absence.
La télévision publique n’est plus démocratique ; il faut remettre la démocratie au cœur du service public de l’audiovisuel. Tel est l’enjeu principal de la prochaine refondation.
Comment ? Inspirons nous encore une fois de l’exemplarité de la BBC sur ce plan.
On est loin des opérations de « terrain », du courrier des téléspectateurs ou des dispositifs interactifs. Encore plus des études quantitatifs ou des groupes « quali ».
Il faudra d’abord mettre en place une « vraie » transparence accessible à chaque citoyen. Pas uniquement aux professionnels. Internet peut nous aider.
Ainsi sur le site du service public, à l’exemple de la BBC, devront figurer glossaires, bilans, rapports, états financiers, organigramme, recettes et la totalité des dépenses détaillées et expliquées.
Un « vrai » dialogue doit être mis en place entre les citoyens et le service public. Question là aussi de démocratie. Comme à la BBC.
Certes les principaux dirigeants en particulier ceux qui ont des responsabilités éditoriales doivent régulièrement s’expliquer en tenant un « blog » personnel.
Un Conseil Editorial réunissant représentants des téléspectateurs et personnalités qualifiées doit enfin voir le jour. Prévu depuis longtemps déjà, il n’a jusqu’à présent jamais été mis en place. Des conseils de téléspectateurs doivent pouvoir être mis en œuvre en fonction de thèmes particulier.
A l’image de la BBC dont le téléspectateur peut non seulement donner son avis mais aussi et surtout se trouve sollicité régulièrement pour préparer les décisions stratégiques qui concernent en particulier les programmes.
A travers des dispositifs d’évaluation de l’intérêt public des choix notamment éditoriaux. Evaluation a priori comme a posteriori. Dont l’indépendance est garantie.
Ils sont appelés dans le cas de la BBC « Public Value Test ».
La démocratie c’est aussi la représentation des citoyens dans les instances de contrôle. Contrôle notamment de l’adéquation de la politique éditoriale suivie par rapport aux souhaits et aux demandes exprimées par les citoyens.
Ainsi le conseil d’administration du service public de l’audiovisuel doit être profondément réformé. On est en effet loin de la démocratie là encore. Les pouvoirs publics y sont surreprésentés. Les salariés et les parlementaires largement minoritaires. Et quelques personnalités « qualifiées » enfin.
Plaidons au contraire pour un conseil d’administration de la télévision publique réunissant une majorité de représentants de citoyens. Mobilisons les multiples organisations qui représentent les intérêts des citoyens et défendent leurs droits dans de multiples domaines en particulier celles qui sont en « première ligne » dans notre société.
Nous appelons ainsi à une démocratisation du service public de l’audiovisuel en France. La télévision publique n’est plus démocratique et c’est de ce manque qu’elle souffre d’abord.
Notamment en matière d’indépendance. C’est avec le public qu’elle doit nouer une alliance. Equilibrant celle construite avec les professionnels. Et permettant de tenir à une certaine distance les pouvoirs publics et l’état actionnaire.
Et nous sommes loin de la simple question de la nomination du PDG ou de celle de l’entreprise « unique » par exemples.
Nous proposons d’engager des Etats Généraux de la Télévision Publique sur ces bases nouvelles.
Pour se concentrer sur la rédaction d’une Charte de la télévision publique plaçant au centre les téléspectateurs et proposant des dispositifs inédits en France de consultation et d’association des citoyens et de contrôle par l’ensemble de la société.
Mais aussi une Charte définissant de nouvelles missions de la télévision publique en mettant les citoyens à égalité avec les créateurs. Cette réécriture faisant suite à une vaste consultation nationale lancée auprès d’organisations représentatives par les Etats Généraux.