Compte rendu de la session du 20/03/2017
Synthèse PDF
Présentation la DIRECCTE
Présentation Cap Digital
En introduction, Philippe Chazal annonce que le Club Galilée cherche à monter dans les prochaines semaines des sessions politiques avec plusieurs représentants, notamment Karine Berger pour le PS, Marc Schwartz pour En marche, Virginie Duby-Muller et Franck Riester pour les LR.
Aujourd’hui, est abordé un sujet important, peu connu de tous. Nous avons l’honneur d’accueillir Isabelle Herrero, sous-préfète du 92 en charge de l’économie et de l’emploi.
Philippe Chazal insiste sur les spécificités du secteur, résumées dans la notion d’exception culturelle. Une particularité qui dans le même temps l’a isolé d’autres dispositifs, qui se sont développés et ont permis à d’autres secteurs de pouvoir connaître une expansion et de retrouver le chemin de la croissance, via la revitalisation du tissu industriel ou encore l’encouragement des champions du secteur. L’audiovisuel doit se considérer et se présenter aussi comme un secteur comme les autres. C’est le message que le club essaye de porter.
L’audiovisuel impacté par le numérique
Isabelle Herrero partage le constat que le secteur audiovisuel est encore perçu comme étant un peu à l’écart et éloigné de mesures qui en réalité s’appliquent à la totalité du champ économique et de l’emploi. Le secteur vit la concurrence de façon très forte et il connait des mutations profondes, liées au numérique, aux nouvelles technologies. Ainsi, l’audiovisuel doit à la fois conserver ce qui fait sa valeur (la création) tout en valorisant ce potentiel à l’international. Isabelle Herero illustre le rôle de l’Etat par le projet Fabrique des Formats et explique que c’est un projet qui lui tient à cœur car il est novateur pour la France et sous-tend un développement de compétences nouvelles, potentiellement créateur d’emplois ; enfin c’est un projet qui à la fois réuni toutes les parties prenantes du secteur mais n’avait pas le soutien majoritaire de la filière audiovisuelle de la part des instruments financiers publics nationaux.
Le département des Hauts-de-Seine avait un Intérêt à le soutenir dans la mesure où le territoire concentre 60% des entreprises audiovisuelles. « On a considéré que ce projet pouvait avoir un effet levier », précise-t-elle. L’action de l’Etat c’est mettre en réseau, soutenir l’activité, et encourager la coordination entre les acteurs.
Philippe Chazal rappelle que la situation s’est déloquée au niveau territorial où le dispositif de la Fabrique des Formats a été encouragé. Pour cela il a fallu changer de discours et se centrer sur le développement des entreprises, de l’emploi, c’est à ce moment-là qu’il y a eu un écho.
Stéphane Martin, président de l’AFDAS rappelle que le 1er pilier de l’AFDAS c’est l’audiovisuel (39% des contributions), un pilier historique notamment à travers l’intermittence du spectacle. Les réformes successives ont donné aux régions un rôle nouveau. AFDAS possède 8 représentations physiques dans les régions et travaille en collaboration avec l’Etat. « C’est par les contributions et les accords-cadres qu’on peut développer un certain nombre de dispositifs », précise-t-il. Des dispositifs parfois peu connus, l’EDEC par exemple, signé directement avec les régions. Stéphane Martin reconnaît un problème de faire savoir. A noter que 91% des entreprises de l’audiovisuel ont moins de 10 salariés, ce qui particularise les enjeux de formation. L’AFDAS verse 28,5 millions d’euros aux régions pour leurs centres de formation, un montant issu des contributions des entreprises pour un engagement de versement de 51%.
Stéphane Martin explique que l’organisme collecteur travaille en parfaite relation avec les régions, les sommes en jeu permettent de faire beaucoup de choses au service des salariés et des emplois. Il observe en revanche un léger retard de l’AFDAS sur les FSA (fonds social européen). Les régions sont au plus près des bassins d’emplois. L’audiovisuel reste une branche atypique dont il est parfois difficile de faire reconnaître les spécificités, même s’il peut y avoir des appétences de certaines régions. Le champ de l’AFDAS c’est à peu près 600 000 salariés avec de grandes disparités. Parmi les priorités, Stéphane Martin identifie tout d’abord le fait d’améliorer la tuyauterie pour être plus lisible, puis de s’adapter à la nouvelle organisation du travail, les alternances rigides ne conviennent plus, il faut mettre en place des souplesses entre présentiel et distantiel. Sur l’audiovisuel ce n’est pas là qu’il y aura le plus de périodes d’alternance professionnelle, du fait de la typologie des métiers.
Philippe Chazal souligne que les crises rituelles du régime intermittent témoignent de l’incompréhension et la méconnaissance de ce régime. Les réformes ne fonctionnent que si elles sont conduites par des professionnels qui possèdent une connaissance opérationnelle du secteur.
Matthieu Hardelin représente aujourd’hui la DIRECCTE qui est une grande administration interministérielle, chargée de l’action microéconomique de l’Etat. Il annonce que les politiques menées sont celles qui servent les enjeux économiques, la DIRECCTE s’intéresse donc aux sujets de la propriété intellectuelle, de l’innovation, de la gestion des compétences, des transformations numériques… On comptabilise au total 800 personnes en central et 800 personnes dans les DIRECCTE en région, sur les questions d’expertise et d’accompagnement des entreprises, permettant ainsi d’aider les acteurs économiques et sociaux à s’y retrouver dans tout ce qu’a organisé l’administration.
La DIRECCTE : le couteau suisse du ministère des finances
Les employés de la DIRECCTE ont une connaissance du soutien aux filières économiques (l’audiovisuel est classé soit dans celle du numérique, soit dans celle des industries créatives) et proposent également un accompagnement de dossiers ponctuels d’entreprises, les PME sont incitées à venir consulter la DIRECCTE lorsqu’il y a un projet de développement. Les ingénieurs vont ensuite expertiser le projet d’entreprise (innovation, partenariat technologique…) et convaincre l’organisme qui accorde des fonds pour financer ces projets. L’organisme travaille aussi avec l’URSSAF et le centre des impôts pour, par exemple mettre en place un échelonnage des impôts, des charges pour soutenir une entreprise. En outre, la DIRECCTE a pour mission de rencontrer tous les clusters, incubateurs, accélérateurs pour flécher les fonds publics. Elle travaille avec les conseils régionaux qui disposent de leurs propres fonds. Elle met en relation les acteurs avec laboratoires de recherche pour mettre en œuvre un écosystème via le partenariat.
Philippe Chazal évoque le dispositif de la revitalisation du territoire, à savoir le financement de la création de nouveaux emplois par des entreprises qui détruisent des emplois dans un bassin d’entreprises.
Isabelle Herrero ajoute : « on a fait d’un outil une politique ». L’idée est, à travers un outil, d’afficher une volonté et de donner du sens à cette action. Même s’il est compliqué de mesurer l’impact réel sur l’Ile de France, l’entreprise bénéficiaire s’engage à recréer de l’emploi.
Patricia Boillaud rappelle que c’est de l’argent privé qui est mobilisé, de l’argent des entreprises qui retourne à la création d’emplois. L’entreprise conventionne avec l’Etat, les deux entités se mettent d’accord sur un certain nombre d’actions. Les ambitions de la revitalisation : aider des projets dont on estime qu’ils sont structurants pour la création d’emplois sur un secteur et répondre à l’objectif de la recréation d’activité sur le territoire. Généralement l’entreprise destructrice d’emploi devra verser entre 2 et 4 SMIC par emploi supprimé. Patricia Boillaud explique que des critères ont été mis en place pour sélectionner les projets innovants et capables de soutenir les filières (effet levier sur un territoire).
Françoise Colaitis nous présente les missions du pôle de compétitivité Cap digital qui est un grand réseau d’acteurs économiques sur le secteur numérique et regroupe un peu plus de 1000 membres (entreprises, écoles, universités, investisseurs). Ce collectif souhaite avant tout extraire de la valeur de la collaboration et du partenariat entre les membres. Le marché des médias au sens large (audiovisuel, édition, culture…) représente plus du quart des membres. Cap digital développe 5 grand types d’activités : inspiration (faire jouer la force du réseau) ; innovation (R&D) ; accélération (identifier les pépites) ; communication (festival Futur en seine) ; transformation des entreprises (impact des économies de la donnée).
Il s’agit de tisser le réseau et stimuler le partage de réflexions. Cap digital labellise pour améliorer les chances d’avoir des subventions La partie innovation se donne pour mission d’inventer l’avenir du secteur. La partie accélération propose des services aux entrepreneurs (ex : pass french tech). Quant à la partie transformation, elle permet de réfléchir à comment aider les entreprises dans cette période de mutation. Tous les trimestres, Cap digital publie un baromètre des métiers du numérique avec les métiers en tension, les formations les plus recherchées.
Françoise Colaitis annonce la mise en place du projet EdFab, la fabrique des formations numériques, qui correspond à un ensemble d’actions qui se formalise dans un lieu, où les entreprises peuvent échanger et expérimenter des formations innovantes. Ainsi, Cap digital se focalise sur les entreprises en mutation, pas forcément digital native.
Françoise Colaitis présente leur dernière étude sur les compétences data dans les industries culturelles et créatives qui montre qu’Il y a un effet de seuil dans la transformation numérique. Les entreprises qui ont passé un certain cap ont un usage assez étendu et approfondi des données, elles trouvent mêmes des usages intéressants et diversifiés à leur capital de données. En revanche, les acteurs qui ne sont pas arrivés à passer ce seuil restent limités dans leurs usages. De cette étude découle deux actions pour Cap digital : d’une part aider les entreprises à franchir ce seuil de connaissances et d’appropriation des outils numériques et d’autre part faire du diagnostic et proposer des formations ciblées sur tels types de catégories de salariés, ce qui induirait une montée en qualification. Françoise Colaitis souligne enfin que dans l’étude la perception du numérique est essentiellement positive, enrichit la façon de faire son métier.
Cécile Monthiers prend la parole au nom du groupe TF1, un groupe en transformation selon elle car la difficulté est la nécessité de renouveler le modèle économique. Cécile Monthiers explique qu’il y a un an, Arnaud Bozom, DRH du groupe, a décidé d’arrêter le catalogue de formations classiques pour proposer des contenus autour du digital et du business. TF1 a ainsi mis au point un module de formation de 3 jours comprenant un mélange de learning dans les start ups de l’écosystème et de coworking, avec l’objectif de réinventer le travail au quotidien. Cette nouvelle typologie de formation a été réalisée pour 4 métiers du business, de l’information, du contenu et du digital. Au total un coût de plus de 3 millions d’euros sur 2 ans donc conséquent pour l’entreprise. Cécile Monthiers observe qu’il y a peu de dispositifs existants pour des entreprises qui essayent de se challenger.
TF1 se veut pionnier sur les questions de diversité
Elle ajoute que TF1 est très investi sur l’accompagnement de la diversité à trois niveaux : la diversité des origines (via la fondation qui aide les jeunes générations issues des politiques de la ville), la mixité femmes/hommes. Plus concrètement depuis 2 ans, d’une part en interne, avec le plan mixité performante pour faire monter les femmes dans le management, d’autre part dans la façon dont le groupe expose les femmes à l’antenne. Les questions de mixité sont donc traitées à deux niveaux aux RH et via la politique sur nos antennes. La troisième diversité, c’est celle du handicap. TF1 a trouvé un dispositif vertueux avec l’alternance et l’organisation avec Cap Emploi de castings de personnes en situation de handicap. Travailler sur ces questions signifie initier une réflexion sur la pédagogie et l’adaptation de postes.
Cécile Monthiers affirme être intéressée par tout ce qui concerne l’accompagnement sur le digital. La thématique de la diversité est un sujet sur lequel TF1 essaye d’être pionnière, par exemple avec la signature de la charte LGBT. « Quand on est un média est qu’on parle à autant de français on se doit de dire les choses », conclut Cécile Monthiers.
Philippe Chazal ajoute que la ligne éditoriale d’une chaîne passe par une politique managériale et de formation.
Patricia Boillaud présente les dispositifs existants et les outils qui référencent les formations accessibles dans toutes les régions de France.
Isabelle Herrero prend la parole pour dire quelques mots de conclusion. Cette session du Club Galilée l’a menée à trois réflexions. Elle observe qu‘on est parti de la filière de l’audiovisuel, un secteur d’activité en recherche de cohésion, avec une représentation pas unifiée pour porter la voix du secteur, et une posture d’exception culturelle à faire évoluer. « Finalement on en est venu à se dire qu’il y aussi des enjeux de transformations extrêmement forts », ajoute-t-elle. Il est alors nécessaire de poser les enjeux des nouveaux métiers du numérique, car ce dernier transforme l’ensemble du champ économique. Nous sommes face à une vraie révolution comme d’autres révolutions industrielles, avec cette fois-ci une dimension sociétale supplémentaire. Il y a un enjeu de penser la formation, demain ce ne sera plus l’affaire des entreprises, d’un côté, de l’Etat, des OPCA, de l’autre, mais celle de tous, confirme Isabelle Herrero. Les entreprises doivent se saisir de ce sujet comme d’un sujet de management pour accompagner les innovations. Un vrai changement de paradigme pour accompagner les salariés à être plus agiles, plus flexibles. La voie de montée en puissance pour l’audiovisuel passe probablement par le numérique et les tous les outils créés à ce titre.