Compte rendu de la session du 29/05/2017
Synthèse PDF
Présentation Etude Médiamétrie
En introduction, Philippe Chazal rappelle que le Club est attaché à la création. La session d’aujourd’hui est consacrée aux Millennials, cible pour laquelle se construit un univers spécifique. La table ronde débute avec la présentation du rapport Médiamétrie de l’étude Media in life qui observe les activités quotidiennes et l’exposition aux médias français. Il y a dans cette dernière étude un focus sur les millennials.
Baptiste Didier est le directeur du pôle Etudes, il commente pour le Club ce dernier rapport. Il constate ainsi que la téléphonie mobile possède un niveau de couverture équivalent à télévision et la radio avec une forte répétition des contacts. En cinq ans, on observe une progression très nette de la télévision mobile spécifiquement au près des millennials, elle a gagné en pénétration et en poids. L’étude fait également apparaître des sous-classes dans une même catégorie de population. Ainsi, les 13-24 ans comptabilisent 51 contacts dans la journée, pour les 25-34 ans, le chiffre atteint 42,7 soit un niveau identique à l’ensemble de la population. Donc la mutation est due aux plus jeunes. Baptiste Didier ajoute qu’il y a une véritable rupture à 25 ans, qui s’accentue en 2016 par rapport à 2011. Les loisirs numériques sont vraiment l’apanage des 13-24 ans.
Comment se structure la journée d’un millennial ?
Médiamétrie a relevé la consommation quart d’heure par quart d’heure. Chez les 13-17 ans, le média TV est très écrasé et le prime time très concurrencé. Il y a une pénétration plus forte sur les 18-24 ans due à l’équipement. 25-34 : Atypisme au sein des millennials, on retrouve le prime time avec téléphone. L’étude rend compte de trois tendances majeures :
- L’explosion de la téléphonie mobile
- Le distingo entre 13-24 ans et 25-34 ans
- Une très grande hétérogénéité au sein de la catégorie
Benjamin Bonnet prend ensuite la parole au nom de la Fédération des Jeunes Producteurs Indépendants (FJPI) qui a la spécificité de représenter tous les producteurs qui ont entre 0 et 7 ans d’ancienneté. La FJPI se définit avant tout comme un réseau et n’a pas vocation à devenir un syndicat. L’objectif premier étant de partager les expériences de jeunes producteurs. Un statut qui confère également une légitimité à parler des millennials. Car, pour ce public, ils imaginent des contenus et des business models un peu différents de ce que l’on voit traditionnellement.
Cette année la FJPI organise son évènement annuel les 7 et 8 juin, les Journées des Jeunes Producteurs Indépendants avec pour thème « Génération no bullshit », quand les Millennials prennent la parole. Benjamin Bonnet rappelle que le producteur est aussi un prescripteur et s’adresser à un public jeune oblige à proposer un certain type de contenus et des modes de diffusion particuliers.
Les jeunes créateurs d’aujourd’hui poussent à interroger le rôle du producteur, à le remettre en question dans ce nouvel univers. Un écosystème qui impacte aussi naturellement les chaines de télévision particulièrement attentives à cette concurrence numérique.
La création de fonds webserie (CNC), témoigne de la prise de conscience du secteur, « on se rend compte qu’il y a un nouveau paradigme », précise le président de la FJPI. Tout comme la polémique des films Netflix en compétition à Cannes, une illustration, selon lui, de la porosité des frontières entre cinéma, audiovisuel et numérique. « Le mieux c’est d’en parler tous autour de la table », préconise-t-il.
Philippe Chazal évoque pour la fédération la nécessité et la capacité à recruter des talents et développer une politique de formation nouvelle et particulière. Benjamin Bonnet confirme l’ambition de la fédération de détecter ces talents et les encourager avec ces dispositifs.
Guillaume Lacroix est le fondateur du média social Brut. Il explique que l’idée est née au moment de la campagne électorale où l’équipe s’est dit que le digital allait jouer un rôle. A l’époque, il n’y avait pas de média digital native en matière d’information et tout le monde répétait que les millennials ne s’intéressaient pas à l’actualité.
Brut accumule 300 millions de vues en 6 mois et fait mentir ces prédictions. Guillaume Lacroix résume les objectifs de ce nouveau média : « Avec Brut on vise à donner des clés d’entrée sur l’actualité avec un ton différent et à mettre les followers en direct avec l’actualité. Il précise aussi que pour s’adresser aux millennials, il faut avoir en tête que ce sont des personnes extrêmement à l’aise sur les réseaux sociaux, qui en maitrisent les codes et sont sensibles à l’humour. Le parti pris de Brut, c’est plutôt l’intelligence, dans période de grande suspicion vis-à-vis des médias traditionnels, afin de capter l’attention dans des flux encombré. Guillaume Lacroix rappelle que la vidéo sociale n’a de sens que si elle est partagée. Brut a démarré avec 2000 followers sur Facebook et un peu d’achat média pour exister.
Concernant les Millennials, 2 choses les définissent selon lui : l’envie de s’engager et de partager. C’est un public qui souhaite pouvoir engager des discussions : ils ont envie de s’engager et de partager autour d’un évènement sportif, veulent pouvoir engager des discussions, alors que la télévision a tendance à fermer la conversation. Dans cette optique les réseaux sociaux sont les bons canaux, à la différence d’un site internet sur lequel il faut aller spécifiquement. Cela implique de réfléchir avant tout aux valeurs que l’on souhaite véhiculer Brut a désormais 2 axes de priorités de développement : Instagram et Snapchat. Car Guillaume Lacroix estime que la « story » sera une révolution dans la façon de raconter des histoires.
Il évoque l’industrie des influenceurs digitaux qui se développe aux Etats Unis avec des codes de narration propres et niveau d’engagement extrêmement élevé. Toute cette industrie est en train de se fédérer avec en première ligne des influenceurs de poids sollicités par les marques et à qui on propose de l’equity pour faire la promotion d’une société. Guillaume Lacroix revient également sur le succès de Pokemon Go et les nouveaux challenges de la réalité augmentée, la technologie de demain selon le co-fondateur de Brut.
Tout tourne autour de l’idée que les Millennials sont en train d’imposer des usages de consommation et de production. En termes de plateforme de contenus, cela est synonyme de nouveaux challenge. Par exemple pour Black Pills : quel ratio d’investissement pour une vidéo mobile ? « Chez Brut, on voit que quand on s’adresse à ces gens-là avec des codes spécifiques et des vidéos qui vont dans le sens des valeurs qu’ils défendent, cela fonctionne très bien », constate Guillaume Lacroix. Les défis à relever : le développement aux USA, en Allemagne et au Japon car les millennials sont globalisés et la puissance des réseaux sociaux permet de s’adresser au monde entier très facilement.
Brut se finance grâce à la publicité mais aussi en BtoB avec les entreprises et les marques qui sont intéressées par l’idée de tirer l’âge moyen de leur audience vers le bas. Brut réunit une audience plus jeune et qualifiée, ce qui la démarque d’acteurs plus gros qui font de l’agrégation de contenus et de la curation. En effet, Brut a développé une ligne éditoriale plus forte sur le modèle de Vice. La plateforme se revendique 100% indépendante avec une logique de levée de fonds.
Edouard Benava s’exprime au nom de YouTube qui, à la différence de Brut, est davantage orientée vers la création de catalogue que de contenus. 75% des 16-35 ans viennent quotidiennement sur YouTube et les 2/3 consomment via mobile. Edouard Benadava observe que les usages avancent plus vite que le marché publicitaire ce qui nécessite de travailler sur les formats et les contenus.
Concernant les millennials, les contenus sont produits par des sociétés de production qui se développent sur le digital, mais aussi des youtubeurs qui agrègent de fortes communautés et sont devenus de véritables marques. La plateforme affiche de bons résultats : 100 chaînes YouTube ont dépassé le million d’abonnés, +40% de temps passé depuis l’année dernière.
Il semble également que les millennials consomment des contenus des chaines TV qui se sont digitalisées pour chercher de nouvelles audiences, à l’image de France Télévisions. Des archives sont disponibles sur YouTube, qui devient alors un outil de relance de programmes. La mission de la plateforme est ainsi de faire vivre ces deux écosystèmes : créateurs et chaînes de TV. Edouard Benadava cite quelques exemples de collaborations : LCI a travaillé Hugo Décrypte ; avec les stars ; elle a fait venir Enjoy Phénix. Voilà deux mondes qui ne sont pas incompatibles, au contraire qui peuvent réunir de nouvelles audiences et communautés.
Enfin, YouTube souhaite développer cet aspect factory tel qu’on le retrouve chez Studio Bagel par exemple. Dans cette perspective, la plateforme met à disposition des créatifs des outils de monétisation, de l’accompagnement et un lieu physique où ils peuvent prendre des cours et bénéficier d’un studio, le YouTube Space. La YouTube Creator Academy publie des ressources en ligne pour développer sa chaîne et devenir le youtubeur de demain.
Benjamin Ferel nous présente Golden Network, témoin du virage que prennent les groupes traditionnels. Il raconte que « Golden moustache a été créé il y a 4 ans pour faire du contenu cool sur internet et donner la parole à des créatifs qui veulent s’exprimer de manière originale ». De cette dynamique, un collectif a été créé et M6 digital a créé d’autres chaînes en parallèle. Le premier business model reposait sur les marques qui sollicitaient le collectif pour créer du contenu et parler directement à leur cible. Fort de son expérience, Golden Moustache a réussi à gérer une communauté et l’objectif est de regrouper toutes ces chaînes au sien d’un même network et de dupliquer ce modèle pour tous les médias. « Aujourd’hui c’est un studio pour les millennials avec toujours une cellule brand content pour les marques », précise Benjamin Ferel.
Les diffuseurs se multiplient et les créateurs aussi. Selon le directeur de la création de Golden Network, Il y a désormais plein d’espaces de création et moins de barrières à l’entrée. Il faut adapter le contenu au mode de consommation. Golden Network produit pour W9, France 4, Comédie, a réalisé un long métrage pour YouTube. Il fait appel aux talents pour créer et adapter le contenu en fonction de la communauté à laquelle on s’adresse. Une communauté à la fois volatile (il suffit d’un clic pour se désabonner) et en même temps fidèle et participative. L’enjeu est en outre d’entrainer cette audience sur des médias traditionnels et de déplacer les cibles, par exemple avec les Web Comedy Awards sur W9 qui a surperformé chez les plus jeunes.
Philippe Chazal note que le groupe M6 a fait évoluer sa culture d’entreprise et s’interroge sur la force d’attraction du média télé. Au départ le graal était de devenir un talent à la télévision, c’est moins le cas ?
Benjamin Ferel souligne qu’il n’y a pas toujours d’adéquation avec les grilles de programmes et ajoute que la télévision n’est plus une fin en soi. Car le but principal est de créer une cohérence entre chaines, supports de diffusion et talents.
Adapter la narration au support de diffusion
Guillaume Lacroix rappelle que sur une plateforme comme YouTube il n’y a pas de compétition sur les cases. Benjamin Ferel insiste sur le fait qu’on doit surfer sur des tendances de plus en plus courtes et être capables de s’adapter très rapidement. Edouard Benadava complète en disant qu’on est sur des formats de consommation différents. En effet, entre YouTube, Snapchat et Twitter, il y a des spécificités et aussi une complémentarité, les contenus sont formatés pour chaque plateforme. Guillaume Lacroix explique que Brut ne réfléchit pas en termes de plateforme et cherche avant tout à bien comprendre la narration de la story, car elle représente l’enjeu de demain : 170 millions d’utilisateur quotidiens qui viennent 4 à 5 fois plus que sur Facebook. Finalement, on peut penser que des acteurs traditionnels ont percé à la télévision alors qu’ils auraient pu créer énormément de valeur sur le digital.
Bruno Laforestrie, directeur général de Mouv, fait part de son expérience. Il rappelle que le but est de générer de l’audience sur l’ensemble des plateformes alors même que le budget digital représente seulement 10% du budget global. Mouv a également une mission de laboratoire. Dans le service public, la radio est la seule à s’adresser à une audience jeune et à construire une offre jeunesse.
Guillaume Lacroix fait la comparaison avec le groupe BBC qui a su se transformer et se réinventer sur le digital.
Une dernière question est posée sur la difficulté de s’affranchir des MCN. Guillaume Lacroix ne croit pas dans le fait qu’on peut tenir un talent. Selon lui les MCN apportent essentiellement une visibilité. Il se réfère à Golden Moustache qui offre plus que cela, c’est-à-dire un accompagnement, une production vallue, une formation, des atouts très intéressants. « Les talents s’affranchiront des plateformes, le plus important c’est le lien au public », déclare le fondateur de Brut.
Prochaine séance : fin Juin