Compte rendu de la séance du lundi 25 octobre 2010 sur la création dans le domaine de l’habillage des antennes.
Dans le cadre de son analyse permanente des nouvelles formes de création, le Club Galilée s’est réuni le lundi 25 octobre pour découvrir des artistes issus du monde de l’art numérique. Anne Cécile Worms, fondatrice de Musiques et Cultures Digitales, a effectué un panorama de l’art numérique avant que les artistes Miguel Chevalier, Albertine Meunier et Antoine Schmitt ne présentent quelques unes de leurs œuvres.
Avant de donner la parole aux différents intervenants, Philippe Chazal a d’abord rappelé le programme du club Galilée depuis la rentrée. Après la séance du 11 octobre sur le dividende numérique qui a permis de faire un point sur l’avancé des travaux, et d’analyser les enjeux de la libération des fréquences analogiques, le club prépare une séance sur la télévision connectée. Cette séance se tiendra le 22 octobre autour d’un panel composé de diffuseurs, de fabricants, et d’hébergeurs afin d’avoir le point de vue des principaux acteurs de cette nouvelle technologie. Une autre séance sera organisée en partenariat avec le festival d’animation d’Annecy sur le thème des créateurs dans le domaine de l’animation. Si l’animation est souvent mise en avant en France pour ses réussites économiques, il parait important de rencontrer des créateurs de ce secteur. Enfin, le club ouvrira également d’ici la fin de l’année une discussion sur la question du nouveau contrat social entre le service public de l’audiovisuel et la société. Des étudiants du CELSA ont déjà démarré des recherches sur ce thème.
Avant de donner la parole aux différents intervenants, Philippe Chazal a souhaité expliqué pourquoi le club Galilée avait choisi de donner la parole à des représentants d’un univers de création qui peut à première vue apparaître éloigné de l’audiovisuel. La création numérique semble en mesure d’éclairer un certain nombre d’interrogations et de répondre à des questions que se pose le monde de l’audiovisuel, notamment dans le cadre de la convergence numérique et dans l’approche d’Internet. Ces artistes ne sont ni des admirateurs béats de l’Internet, ni des adversaires farouches, ce sont des personnes qui connaissent très bien cet univers, ses qualités et ses défauts et qui sont donc en mesure de mieux nous le faire connaître et de présenter des pistes éventuelles de rapprochement entre le monde de l’audiovisuel et celui de la création sur Internet.
Après cette brève introduction, Philippe Chazal a donné la parole à Anne-Cécile Worms afin qu’elle effectue un panorama des principaux lieux de création de l’art numérique.
Anne-Cécile Worms, un panorama de l’art numérique
Anne-Cécile Worms a rapidement présenté ce qui se faisait aujourd’hui dans le domaine de l’art numérique .
Elle a d’abord rappelé une phrase de Gertrude Stein « les créateurs vivent bien avant les autres dans le temps présent ». Ainsi, depuis une vingtaine d’années, l’ensemble des disciplines artistiques ont connu des évolutions liées aux nouvelles technologiques, littérature, danse, théâtre, photographie, design, sculpture, architecture…, toutes ces disciplines ont été bouleversées par l’arrivée de nouvelles technologies.
Au-delà des disciplines existantes, de nouvelles formes créatives apparaissent comme le net-art, le web-art, le bio-art, ou le nano art, des disciplines de plus en plus liés à la science, on parle ainsi « d’artistes en blouses blanches ». Pour mieux appréhender ces bouleversements et pouvoir permettre aux passionnés de l’art numérique de suivre les évolutions de ce nouveau secteur créatif, Anne-Cécile Worms a créé en 2003 l’association Musiques et Cultures Digitales. Cette association, installée à la Maison des Métallos dans le 11e arrondissement de Paris, publie des revues, des numéros thématiques, et même un livre en 2008, « Arts numériques » qui a fait un panorama des arts numériques. De même, MCD organise régulièrement des expositions à l’image de l’exposition Digitalement Vôtre qui aura lieu du 29 novembre au 9 décembre 2010 sur le thème du numérique comme lien social.
A côté de Musiques et Cultures Digitales, Anne Cécile Worms a également créé une société, Digital Art International ou Digitatarti. Cette société s’est spécialisée dans trois secteurs, la création d’une communauté internationale en ligne sur le thème de l’Art Digital, le lancement d’un magazine trimestriel, Digitalarti Mag, et le conseil aux entreprises.
La plateforme Digitalarti.com a ainsi comme vocation de d’être le premier site communautaire dédié aux arts numériques. Cette plateforme bilingue, français/anglais, souhaite regrouper des artistes, des passionnés, des festivals, des centres d’art, des chercheurs, des industriels… afin de leur permettre de suivre la programmation des différents festivals, les dernières créations des artistes, les derniers articles de recherche publiés… Aujourd’hui, plus de 50 000 personnes sont abonnés à la newlsetter gratuite du site.
Digitalarti Mag est un magazine trimestriel en anglais à disponibilité mondiale qui traite de nombreux thèmes liés aux artistes, festivals et nouvelles créations du secteur.
L’art numérique étant au cœur de l’innovation, Digitalarti travaille avec de nombreuses entreprises afin de développer la R&D, la communication innovantes, ou l’expérimentation de nouveaux usages, services ou prototypes. Enfin, plus récemment, la société a développé ses propres créations dans le domaine des objets communicants avec la fabrication en série limitée d’une radio à remonter dans le temps, la radio 2068 avec David Guez et la marque Tivoli. Cette radio permet de remonter le temps dans la mesure où selon la décennie que l’auditeur choisira, la radio diffusera des morceaux (musique, discours, interviews…) représentatifs de cette décennie.
Enfin, la dernière création d’Anne Cécile Worms est Digital Art Promotion, le premier fonds d’investissement dédié à l’art numérique. Avec l’argent des investisseurs, le fonds acquiert des œuvres sélectionnées par un comité de sélection. Le fonds a déjà fait l’acquisition de plusieurs œuvres, qui seront gardées pendant plusieurs années, avant d’être revendues après 5-8 ans. Pour que ces œuvres soient diffusées et donc génèrent une véritable plus-value, un des principaux rôles du fonds est de faire la promotion de ses artistes et de leurs œuvres.
Après avoir présenté ses différents travaux, Anne-Cécile Worms a effectué un panorama de l’art numérique en France.
Un des premiers types d’œuvre qui émergent aujourd’hui sont les installations interactives à l’image des travaux de Golan Levin qui montrent bien l’interaction entre le son et le mouvement qui existe dans ce type d’art. De même, on constate également dans cette œuvre, que l’art numérique n’existe pas sans le spectateur pour l’animer, l’interactivité est mise au centre de l’œuvre.
L’art numérique s’installe dans l’espace public via l’art génératif dont Miguel Chevalier est l’un des chefs de fil.
L’Installation Mapping est une discipline intéressante à l’image des artistes du mouvement Anti VJ qui ont fait du mapping sur des immeubles du monde entier. Les installations en Led, ou « Led Art » se développent également avec un artiste comme Stéfane Pérraud dont l’une des installations, SOJA, est connectée à des informations en temps réels (par exemple nombre de personnes souffrant de malnutrition et nombre d’obèses). En fonction de l’évolution de ces deux informations, les LED vont évoluer eux aussi.
La réalité augmentée que l’on appelle également réalité virtuelle est une forme d’art numérique en plein essor. Ainsi, lors du dernier festival Futur en Scène, Maurice Benayoun a présenté un télescope sur l’Arc de Triomphe qui permettait de redécouvrir toute l’histoire de paris. Le même artiste a lancé son blog, The Dump, sur lequel il présente tous les projets qu’il ne pourra jamais réalisé. Il existe cependant un réel manque de formation dans toutes ces disciplines. Ainsi, l’art robotique n’est qu’enseigné à l’école des beaux arts d’Aix-en-Provence. Or, c’est justement cela qui a permis l’émergence dans ce domaine de France Cadet, enseignante dans cette école. Il existe de nombreux autres formes de créations numériques comme le living art dont Florent Aziosmanoff directeur artistique du Cube est un représentant, la sculpture digitale, ou encore le design interactif qui a permis l’émergence d’objets communicants comme le Nabaztag.
Avant de conclure son intervention, Anne-Cécile Worms a souhaité effectué un arrêt sur flux sur le net art. En effet, depuis 15 ans, le réseau qu’est Internet a été investi comme un espace de création en perpétuelle évolution. Les artistes parlent aujourd’hui de web art, d’art en réseau, de Google Art, de Flash Art… Les artistes s’emparent des logiciels pour faire des œuvres en réseau, collectives…
Pour mieux comprendre ces évolutions, MCD a organisé en partenariat avec Anne Roquigny, le WSJspots#1 à la maison des Métallos. Lors de ce rassemblement, on a demandé à une quarantaine de personnalités du web français comment ils avaient ressentis les bouleversements des 15 dernières années, ainsi que leurs bookmarks, c’est-à-dire les sites Internet qu’ils visitaient quotidiennement. L’ensemble des interviews et des bookmarks sont disponibles sur le sitewww.digitalarti.com, et ils permettent d’avoir un aperçu très intéressant de ce qu’est la création Internet en France aujourd’hui.
Les évolutions les plus récentes de l’art numériques vont vers le live audiovisuel, c’est-à-dire le mixage en temps réel du son et de l’image pour créer de nouvelles offres. Ainsi, on assiste à l’émergence de nouvelles formes de création numérique via l’apparition de web jockes (ou WJs) qui mixent des images Internet, voir même des Satellite Jockeys qui eux mixent des images issues de Google Earth. L’évolution de l’art numérique est en perpétuelle renouvellement du fait de l’évolution des technologies, les artistes d’aujourd’hui sont avant tout des gens qui utilisent les technologies pour faire de l’art.
Les évolutions futures vont s’organiser principalement autour de trois points. Tout d’abord, l’artiste Internet est un artiste par essence connectée, c’est ainsi qu’est entrain de naître l’artiste cyborg. De même, l’art numérique n’est plus comme l’art plus ancien une création faite pour des personnes aisées ou à la recherche de l’art, mais il intègre de plus en plus le quotidien en étant présent sur des façades d’immeubles ou des quais de métro. Enfin, l’évolution principale de l’art numérique réside dans sa capacité à faire du public une partie prenante de l’œuvre. La dimension interactive de l’œuvre est ce qui en fait réellement une nouvelle étape dans la création artistique.
Après ce premier état des lieux, il est apparu aux membres présents que l’art numérique doit permettre au secteur de l’audiovisuel d’ouvrir les yeux sur des pratiques nouvelles qui devraient aider notre secteur à trouver de nouvelles voies.
Plusieurs membres ont ainsi émis des hypothèses sur l’impact que pouvaient avoir ces nouvelles formes de création pour la télévision. Ainsi, plusieurs idées sont apparues. Tout d’abord, il semble que ces artistes peuvent devenir des historiens du réseau, et donc nous permettre de mieux suivre les évolutions d’Internet. De même, ils doivent nous aider à lutter contre la peur qui existe que l’arrivée d’un nouveau média va tuer l’autre, en l’occurrence que le développement d’Internet signifie à termes la mort de la télévision. Ces réticences sont dues à un manque de connaissance et de curiosité. Il est nécessaire de créer des ponts entre les différents supports de diffusion. De même, il ne faut pas opposer télévision et Internet, il ne faut donc pas seulement montrer ces nouvelles formes de création à la télévision, mais également les intégrer, dans les décors, l’habillage des antennes, sur les plateaux, etc…
Philippe Chazal a rappelé que c’était justement ce qu’Arte souhaitait développer via la plateforme ArteCreativ. Cette plateforme souhaite dans un premier temps rendre compte de ces nouvelles formes créatives, avant de se nourrir de celles-ci pour produire et créer sur une télévision qui est de plus en plus éclatée. La télévision de demain sera connectée, il est donc nécessaire de créer dès maintenant des univers nouveaux. De nombreux ponts existent entre les différentes disciplines de la création audiovisuelle, entre Internet et l’art digital, comme il en existe également entre le jeu vidéo et les séries. Le rôle du secteur de l’audiovisuel est d’explorer ces nombreuses pistes et d’intégrer cette nouvelle dimension interactive que développent ces artistes.
Miguel Chevalier, le créateur de jardins
Suite à l’intervention d’Anne-Cécile Worms et aux premières questions des membres, les trois artistes présents ont pris la parole pour montrer leurs œuvres, à commencer par Miguel Chevalier. Miguel Chevalier a débuté sa carrière dans les années 1980s. A la sortie des beaux arts, il considère que l’on ne peut plus régénérer le champ de la peinture car celui-ci a déjà été exploré dans ses moindres recoins. Alors que l’informatique commence à peine à se développer, Miguel Chevalier y voit un moyen de définir une nouvelle forme d’écriture créative. Or à l’école des beaux arts, il n’y avait ni atelier photo, ni vidéo et encore moins de l’informatique. Il décide donc de rejoindre l’Ecole Nationale Supérieure des arts Décoratifs qui avait une vision un peu plus moderne, avec des ateliers centrés sur la photo et la vidéo mais pas encore du numérique.
A la sortie de l’école, Miguel Chevalier va commencer à travailler grâce aux palettes graphiques utilisées par la télévision. Pour y avoir accès, il va devoir travailler la nuit, notamment au CNRS.
On constate aujourd’hui, que l’art numérique et la peinture sont très proche, de nombreux artistes, notamment du mouvement pointilliste ont préfiguré le monde de l’informatique. Mais dans les années 1980, personne ne comprend encore cela, et jusqu’à la fin des années 1980, Miguel Chevalier connait une traversée du désert avant de commencer à rencontrer des gens qui s’intéressent au sujet, il va ainsi pouvoir développer ses premiers travaux autour de la nature et de l’artifice.
Miguel Chevalier va d’abord développer des graines virtuelles, une sorte d’herbier. Ce sont des plantes imaginaires mais qui se développent, poussent, meurent et génèrent d’autres graines. L’herbier vit ainsi sa propre vie et si l’artiste est à l’origine de la création, il ne sait jamais dans quelle direction son œuvre ira. De plus, ces « surnatures » virtuelles lorsqu’elles sont mises en scènes dans un musée, ou plus récemment, comme à Paris, sur des façades d’immeuble, réagissent aux mouvements, lorsqu’un spectateur bouge devant une fleur, celle-ci bouge également. Cette réaction aux mouvements permet d’avoir un nouveau rapport à l’œuvre, elles sont modifiées par le rapport au corps. Une des spécificités de l’art numérique est cette interaction et ce rapport au corps et donc au spectateur qui devient un acteur de la création.
A partir des graines virtuelles, on peut créer des jardins virtuels. Une des spécificités du numérique, est que l’œuvre devient générative, elle se développe à l’infini, des algorithmes de croissance apportent la possibilité d’avoir une œuvre qui est toujours en développement, une partie d’aléatoire qui va créer à chaque fois des surprises. A partir de là, il faut sortir du rapport de l’écran pour se développer dans des espaces muséales ou or musée. Ainsi, Miguel Chevalier a pu créer des jardins dans le métro d’Olso, sur les Champs Elysées, ou encore lors d’un festival de Buenos Aires directement sur des immeubles anciens dont l’architecture rappelle un univers floral.
Outre les surnatures, Miguel Chevalier a créé d’autres plantes virtuelles plus minérales, voir animales, les fractales flowers. Les fractales permettent de créer des structures très complexes, une nature recomposée présentée de manière fixe. Avec l’herbarius, livre réel sur lequel on retrouve des vidéos de graines qui poussent on va encore plus loin dans l’art numérique. Ainsi, en partenariat avec Jean-Pierre Balpe, Miguel Chevalier a intégré un générateur d’écriture dans l’herbarius qui permet à chaque fois que l’on tourne des pages de l’herbarius d’expliquer les capacités hallucinogènes des plantes qui n’existent pas. A chaque page tournée, un nouveau texte et une nouvelle fleur s’affichent automatiquement sur le livre numérique.
Comme pour les surnatures, les fractals poussent et se développement. Quand ces fleurs meurent, elles créent des mutations et de nouvelles espèces par le hasard. Si celles-ci sont intéressantes, l’artiste peut les maintenir en vie et les développer pour créer de nouveaux jardins. Les fleurs se développent également dans des lieux très atypiques, dans des anciennes carrières par exemples, mais Miguel Chevalier a également développer des serres dans lesquelles les plantes sont projetés depuis l’intérieurs avec une musique génératives accompagnantes. Le 5 novembre, Miguel Chevalier inaugurera d’ailleurs, dans le cadre d’Istanbul 2010 une nouvelle serre plus résistante et plus grande que celles qu’il a créées jusqu’à présent.
Au-delà de l’aspect génératif des fractals, il est également possible de matérialiser ces univers virtuels via des imprimantes 3D. Les fractals deviennent ainsi des œuvres matériels.
Miguel Chevalier a également inauguré récemment une nouvelle création, Seconde Nature, qui associe le réel et le virtuel. C’est sculpture installée dans le port de Marseille est un grand signal dans l’espace public qui projette la nuit un jardin virtuel qui va évoluer en fonction du cycle des saisons.
Albertine Meunier, la créatrice d’Internet
Suite à l’intervention de Miguel Chevalier, Albertine Meunier a elle aussi présenté certaines de ses pièces. La matière d’Albertine Meunier, c’est l’Internet, et l’un des premiers arts du net, c’est de pouvoir taper son prénom sur Google et d’être présente directement sur la première page des résultats de la recherche. Ainsi, un artiste du net doit savoir utiliser les matières du net. Albertine Meunier travaille depuis de nombreuses années sur Internet. En suivant l’évolution du travail d’un artiste, on peut voir bouger le réseau.
Après cette brève introduction, Albertine Meunier a présenté plusieurs de ses pièces.
La première pièce s’appelle Around the World. Cette pièce est une série de tableaux qui présente des éléments de manière interactive. A partir de 4 images prises sur Google Street View, on va en créer une cinquième. Ainsi, ce sont 4 prises de vue géographiques dans 4 parties totalement différentes du monde (en l’occurrence la banlieue parisienne, les Etats Unis, le Japon et la Nouvelle-Zélande), qui vont permettre de créer un nouveau point de vu qui n’était pas le point de vu original de Google. Car au-delà de reprendre 4 images, Albertine Meunier va les détourner de leur fonction originelle. En effet, lorsque ces 4 photos sont prises, elles servent à montrer ce qui se passe dans la rue, mais comme la Google Car prend des photos à 180°, Albertine Meunier va faire bouger l’image pour se focaliser sur le ciel et non la rue. L’artiste nous apprend ainsi que l’on n’est pas obligé de regarder les choses telles qu’elles sont proposées, mais qu’on peut les retravailler selon nos envies.
La seconde pièce proposée par Albertine Meunier s’appelle Stweet. Cette pièce uniquement disponible en ligne, est un mélange de Google street view et de Twitter. Ainsi, on va intégrer un tweet géolocalisé à une photo réelle prise par Google Street View. On est en temps réel. La pièce poste automatiquement le dernier message géolocalisé avec la photo. Il existe ainsi autant de points de vue que de villes disponibles sur streetview. Il n’y a plus besoin de bouger pour voir le monde.
La prochaine pièce présentée par Albertine Meunier s’appelle Big Picture. Elle a enregistré l’activité facebook de ses amis pendant 1 mois. Chaque petit carré de la Big Picture correspond à la publication d’un nouveau statut facebook. On peut ainsi suivre l’évolution de l’activité de ses amis. Ainsi, la pièce originale est devenue grise au fil du temps car de nombreuses personnes suivies lors de sa création ont quitté facebook ou fortement diminué leur activité.
Albertine Meunier a également présenté sa pièce intitulée My Google Search History. Depuis 4 ans, Google met en ligne l’ensemble des recherches Google des personnes inscrites sur le site. Ainsi, depuis 2006, cela représente de très nombreuses recherches pour quelqu’un comme Albertine Meunier. Profitant de l’opportunité, l’artiste a décidé de mettre en ligne chaque mois sous un format vidéo l’ensemble des recherches qu’elle a effectué. Cette pièce est accompagnée d’une vidéo sonore ce qui permet de reconstituer sa vie numérique. Cette pièce peut paraitre bizarre, mais cela lui permet d’avoir le souvenir de l’instant. Lorsqu’on retrouve quelques années plus tard une recherche, on se souvient du moment, de ce qu’on ressentait à ce moment là, on retrouve une atmosphère, à l’image de la madeleine de Marcel Proust. On peut ainsi se resituer dans une vie numérique qui file.
La dernière pièce que nous a présentée Albertine Meunier est la danse de l’angelino. Cette pièce est un lien entre le monde réel est l’Internet. A partir d’une danseuse prisonnière dans une bouteille qui s’anime et qui danse sur une mélodie lorsqu’on la remonte, l’artiste a créé un détecteur d’ange. Ainsi, via à un mécanisme qui lie la danseuse à Internet, la danseuse va se mettre en action lorsque le mot « ange » est posté sur Twitter. Plus récemment encore, Albertine Meunier a créé un ballet pour Angelinos. Le principe est le même, sauf qu’il n’y a plus qu’une seule danseuse, mais 12 qui réagissent chacune à un mot différent tiré de l’annonciation à Marie.
Antoine Schmitt, Plasticien du mouvement
Pour terminer la présentation des créations, c’est Antoine Schmitt qui a pris la parole. Il a d’abord rapidement décrit son parcours avant de faire découvrir aux membres présents certaines de ses créations.
Antoine Schmitt a une formation d’ingénieur programmateur au sein d’une école d’ingénieur. A la fin de ses études, il débute sa carrière dans le domaine des jeux vidéo, de l’intelligence artificielle, et des interfaces hommes-machines. Ce n’est qu’en 1995 qu’il se lance dans l’art et qu’il devient artiste plasticien.
Lorsqu’il décide de devenir artiste, Antoine Schmitt est intéressé par plusieurs matériaux, mais il se rend très rapidement compte que le seul matériau qui lui permet d’aller le plus rapidement possible d’une idée à un objet, c’est-à-dire de faire de l’art, c’est un programme informatique. Il décide donc de se lancer dans le domaine de l’art numérique.
Le programme informatique a certaines caractéristiques qui peuvent en faire une œuvre d’art. En effet, un programme, c’est quelque chose qui fonctionne tout seul, qui est autonome. De même, ce n’est pas une suite linéaire, c’est quelque chose de plus ouvert qui peut intégrer un certain degré d’aléatoire. Un programme lorsqu’il est croisé avec le mouvement, mais surtout avec l’interactivité avec le spectateur peut écrire l’avenir. C’est une matière active, le programme est une esthétique de l’action. C’est là un des bouleversements radical de l’art numérique. Le programme est en constante évolution, il n’est pas figé. Ainsi, les artistes numériques écrivent le futur, alors que les autres artistes écrivent le passé.
Après cette introduction sur son œuvre et les possibilités offertes par son support de création, Antoine Schmitt a présenté certaines de ses pièces.
L’une de ses premières créations s’appelle Pixel Blanc. C’est une pièce conçue pour un musée. On y suit l’évolution aléatoire d’un pixel blanc sur un fond noir. Le programme étant aléatoire, on ne verra jamais le même mouvement du pixel. Cette œuvre répond à l’une des idées principale de l’artiste, intégrer une esthétique du mouvement dans ses créations.
La pièce Time Slip est une œuvre beaucoup plus psychologique destinée elle aussi à un espace muséale. En effet, cette œuvre consiste à afficher sur un fil d’information classique les mêmes informations publiées en temps réel par les agences, mais à en changer le temps pour les mettre au futur. Cette création démontre la puissance de l’inattendu lié au futur.
Psychic, est aussi destinée à un espace muséale, et joue encore plus sur la psychologie des spectateurs. Cette œuvre consiste en une pièce noire qui réagit à l’arrivée des spectateurs. Ainsi, quand une personne entre dans la pièce, du texte va s’afficher sur le mur expliquant que quelqu’un vient d’entrer. Le texte qui s’affiche décrit ce qui se passe, « quelqu’un entre », « quelqu’un bouge », « un deuxième entre ». La pièce donne au spectateur une très désagréable sensation d’être épié. De même, la pièce est dotée d’une psychologie paranoïaque. Elle demande ainsi régulièrement aux personnes présentes de partir, et dans les textes on ressent de la peur.
Le Nabaztag est le premier lapin communiquant développé par la société Violet et dont le design comportemental a été réalisé par Antoine Schmitt. Plus récemment, Antoine Schmitt, en partenariat avec Jean-Jacques Birgé a mis au point un opéra pour 100 lapins. Dans cet opéra, 100 Nabaztag suivent la direction d’un artiste pour faire une sorte d’opéra symphonique.
La plus récente des œuvres de l’artiste est le City Sleep Light. Dans cette œuvre, l’artiste considère la ville entière comme un ordinateur qui se met en veille la nuit. Ainsi, un bâtiment dans la nuit va « pulser » comme un ordinateur qui est en veille. C’est ainsi que cette œuvre a été installé dans 5 villes, et dans chaque ville un bâtiment a été transformé l’espace de quelques nuits en veilleuse de la ville.
En conclusion, plusieurs créations nouvelles et déroutantes ont été présentées lors de cette séance sur le Net Art. Les trois artistes présents nous ont fait découvrir des formes de création que de nombreux membres présents ne connaissaient pas. De plus, le panorama de l’art digital effectué par Anne-Cécile Worms a démontré que sous la terminologie d’art numérique il existe en réalité de très nombreuses différents formes de créations qui chacune apporte une nouvelle vision du monde et de l’évolution d’Internet.
Le rôle des représentants de l’audiovisuel aujourd’hui est de réfléchir à comment intégrer ces nouvelles formes de création à et dans la télévision. En effet, il ne s’agira pas seulement de programmer des émissions qui montreront ces créations sur les antennes, il s’agira également d’intégrer directement ces nouvelles formes de création et de travail dans nos programmes. L’audiovisuel doit évoluer, et ces artistes peuvent nous donner des idées de direction vers lesquelles nous pouvons nous diriger dans les prochaines années.