Un constat : la crise qui affecte les acteurs historiques de la télévision privée entraîne de facto un trou de financement de 100 millions d’Euros pour la production en 2009.
Des mesures concrètes peuvent atténuer ce choc, elles sont de natures fiscale, réglementaire, mais aussi éditoriales ou méthodologiques. Elles devraient être adoptées dès cet automne.
Suite à une première réunion le Mercredi 17 Juin qui avait débouché sur une liste de mesures d’urgence à prendre pour sortir le secteur audiovisuel de la crise, le Club Galilée s’est à nouveau réuni le Lundi 7 Septembre avec des représentants de l’ensemble du secteur afin de définir des mesures de relance à la création et à la production de programmes.
Des mesures importantes à prendre pour soutenir la création à long terme : « changer de logiciel »
1. Relancer la consommation numérique
A l’exemple de la "prime à la casse", est proposée uneprime "numérique"afin d’accélérer le renouvellement du parc des téléviseurs en favorisant les téléviseurs convergents sur lesquels on pourra regarder la télévision et surfer sur internet. De même, afin d’accélérer le basculement des foyers de l’analogique au numérique, est proposé la créationd’une réduction d’impôts spécifiqueremboursant la moitié du coût de l’équipement en matériel de réception numérique d’un foyer non desservi par la TNT. Ces mesures sont stratégiques pour assurer un passage au « tout numérique » dans les meilleures conditions.
2. Soutenir les financiers historiques du secteur
Un constat important s’impose, les chaînes dites « historiques » (TF1, France Télévisions, CANAL +, M6) restent les principaux financiers de la création. Ainsi, selon le rapport 2008 du CNC sur la fiction, ces chaînes ont représenté 98% des investissements en fictions nouvelles, et les chaînes privées (TF1, M6 et CANAL +) ont contribué pour 44% à ces efforts, soit 235M € à elles trois. Il existe donc une véritable dépendance du monde de la création vis-à-vis de ces chaînes et il s’agit donc de soutenir à la fois les chaînes publiques et privées.
Les chaînes privées traversent actuellement une triple crise structurelle, conjoncturelle et politique. Entre l’arrivée des chaînes de la TNT, la crise de la publicité et l’instauration d’une « taxe France Télévisions »ces chaînes devraient voir leur contribution à la création diminuer de près de 100M€ en 2010.
Quelles solutions pour enrayer ce phénomène au plus vite :
• avant toutlibéraliser la publicité à la télévisionpour lutter contre cette crise (les contraintes qui pèsent sur les annonceurs en TV doivent être allégées).
• prononcerun moratoire sur la nouvelle taxe sur le CA des chaînes privées, qui a comme effet de diminuer encore les investissements des opérateurs historiques.
• soutenir les chaînes publiques. Au-delà du soutien direct apporté par l’Etat, et pour combler le manque à gagner lié à la suppression de la taxe, il apparait nécessaire demoderniser et d’élargir le système de la redevance.
3. Trouver de nouvelles sources de financement
Les pouvoirs publics doivent être conscients que de nouveaux acteurs profitent de la création audiovisuelle sans pour autant la financer. Il apparaît donc primordial queles Fournisseurs d’Accès Internet (FAI) soient mis à contribution pour soutenir la création. Plusieurs pistes peuvent être envisagées. Tout d’abord, on peut imaginerqu’une partie de la taxe de 0,9% sur le chiffre d’affaire des FAI destinée à France Télévisions serve à financer la création. On peut également instaurer une nouvelle taxe spécifique pour soutenir la création, ou encore instaurer une contribution des FAI au COSIP.
Une autre catégorie d’acteurs qui profitent actuellement des contenus audiovisuels sans pour autant les financer sontles différents moteurs de recherche. Là aussi, il faut trouver un moyen de les faire contribuer à la création.
Enfin,les fabricants de matériel(téléviseurs – a fortiori connectés à Internet -, ordinateurs, téléphones mobiles, baladeurs…) devront également participer à cet effort. Car sans les contenus accessibles sur ces supports, ces industriels ne pourraient les vendre.
4. Changer de mentalité sur la publicité
Trop longtemps, le marché de la publicité à été considéré comme un marché de l’offre. Les pouvoirs publics considéraient qu’il suffisait de contraindre un secteur (par exemple la télévision) pour que l’argent aille dans un autre (la presse). La réalité est totalement différente car le marché de la publicité est un marché de la demande.Ce sont les annonceurs qui sont les donneurs d’ordres ; les agences et les supports de communication, en conséquence leurs « fournisseurs ». C’est donc directement avec eux que les pouvoirs publics devraient discuter des taxes.
De même, il est peut être temps demettre fin aux secteurs interdits. Il n’est pas normal qu’Internet, qui profite également des contenus financés par la télévision, soit favorisé (encore récemment pour la publicité « alcools » modifiant un article de la Loi Evin, ou la publicité politique). Il faut doncharmoniser les règles entre Internet et la télévision, mais égalementaligner strictement sur l’Europe les règlesen matière de publicité à la télévision. Enfin, il est temps deréfléchir à de nouveaux modes de publicité comme le bartering.
Il s’agit donc d’alléger le décret n° 92-280 du 27 mars 1992, ce qui contribuera à la reprise de l’investissement publicitaire à la télévision – au moins par une moindre contraction à court terme -, et à la relance de l’économie générale dont la corrélation avec celle de la publicité est effectivement démontrée tant en France que chez nos partenaires commerciaux (cf. thèse Paris-Dauphine/UDA).
Sans préjudice des articles « qualitatifs » du décret susvisé visant à la protection des téléspectateurs et notamment des enfants, et des droits des ayants-droits, les restrictions subsistant sur :
• les offres directes au public, à l’ère de l’interactivité (article 2),
• les opérations commerciales de promotion du secteur de la distribution (article 8) qui pourraient soutenir l’ensemble de la grande consommation ; le cinéma, le livre (article 8) dans un monde culturel numérique totalement ouvert,
• le ciblage des messages publicitaires audiovisuels pour favoriser la compétitivité de la télévision linéaire et pour les services locaux (article 13),
• l’identification rigide et les délais d’insertion de la publicité (articles 14 et 15),
• les modalités du parrainage (articles 17 à 19) alors que le placement de produit vient d’être autorisé sous conditions restant à préciser par le CSA, pénalisent jour après jour davantage la télévision dans son marché publicitaire concurrentiel.
5. Réformer le COSIP : vers plus de cross media
Dans le contexte de développement de l’industrie numérique des médias, il devient primordial que les contenus répondent aux évolutions technologiques. Il faudra donc à l’avenir que le fonctionnement du financement de la création par le COSIP s’adapte à cette nouvelle situation. Il faut bien entendu conforter ce dispositif collectif d’épargne et de redistribution en faveur de l’industrie des contenus et en faire un instrument central de régulation et d’orientation vers la convergence numérique.
C’est pour cela qu’une évolution à la fois des modalités de financement et des modalités de contribution du COSIP doit être étudiée. Il s’agira donc d’un côtéd’élargir l’assiette de financement notamment vers les acteurs présents sur Internet(FAI sur CA Internet, moteurs de recherches, site de partage de vidéos…) mais également de mettre en placedes obligations auprès des producteurs pour que les contenus futurs soient adaptés aux technologies de demain. Enfin, le COSIP devra également considérer l’ensemble descontenus qu’il s’agisse des stocks et des fluxet mettre un terme à cette différentiation excessive.
6. Développer la Recherche et Développement
Un constat partagé par l’ensemble des acteurs du secteur est que le niveau de développement des contenus audiovisuels en France est dramatique. La recherche et le développement de nouveaux contenus sont sous financés, les chaînes hésitent à prendre des risques, et les producteurs n’ont pas la trésorerie nécessaire pour assurer des investissements lourds.Il est donc nécessaire de rapidement mettre en œuvre des mesures simples, mesures de défiscalisation et mobilisation de l’ISF, crédits d’impôts, fonds de soutiens… destinées à soutenir les investissements de recherche et développement notamment les pilotes.
La R&D doit aussi s’appliquer à la mesure d’audience multiplateforme, à l’évolution des indicateurs de performances partagés entre créateurs, éditeurs et producteurs, mais aussi entre annonceurs et médias, singulièrement sur Internet où la seule mesurabilité est souvent confondue avec l’efficacité (il est tout aussi aisé de mesurer un échec qu’un succès !), nivelant d’autant toute monétisation de contenus professionnels. Or, le marché audiovisuel a besoin d’une « monnaie » de confiance pour valoriser au juste prix et développer ses échanges.