Le Club Galilée, après sa séance du lundi 11 Octobre sur « Le dividende numérique » poursuit son analyse permanente des enjeux du secteur des médias et de l’audiovisuel notamment avec cette session consacrée à « la télévision connectée ». Cette perspective qui se met en place aujourd’hui est d’une certaine manière la manifestation « grand public » de la convergence numérique dont on parle depuis longtemps, appliquée à l’audiovisuel et à la télévision.
Les principaux acteurs sont déjà en place : industriels fabricants des nouveaux téléviseurs, agrégateurs du web et diffuseurs audiovisuels. Et les producteurs et les auteurs ? Ils sont tous invités à cette séance. Nous leur demanderont de nous présenter leurs visions de cet avenir et leurs premières réalisations. Il s’agit comme à chaque fois pour le Club Galilée et ses membres de mieux comprendre les enjeux à la fois technologiques, économiques, sociaux et éditoriaux de cette nouvelle « frontière » que représente « la télévision connectée ». Celle ci est pour les créateurs, les producteurs et les diffuseurs audiovisuels un nouveau défi en matière de contenus. On voit quelques pistes se dessiner dans les domaines du divertissement, du sport… peut être de l’information et du documentaire. Nous en ferons un inventaire rapide. On verra que les acteurs déjà investis dans le « média global » et la création, la production et la diffusion « transmédia » disposent d’un certaine avance par rapport à cette échéance. Mais au delà de contenus singuliers, on doit aussi prendre conscience que « le téléviseur connecté » ouvre en particulier pour les diffuseurs un nouveau défi auquel il s’agit de se préparer, à savoir la construction d’univers pluridimensionnel associant flux de programmes et librairies de contenus, programmation et indexation... Défi professionnel, économique et éditorial qui nous attend tous.
Quelques heures après la publication d’une charte des diffuseurs sur la télévision connectée, le Club Galilée s’est réuni le lundi 22 novembre 2010 pour une séance sur le thème de « la télévision connectée ». Lors de cette séance, plusieurs professionnels sont venus présenter leurs analyses des différentes opportunités que va offrir l’arrivée de ces nouveaux téléviseurs connectés à Internet. Sont ainsi intervenus lors de cette séance les représentants des trois acteurs de ce nouveau marché qui s’ouvre, à savoir télédiffuseurs, industriels et agrégateurs. Ainsi Bernard Fontaine et Laurent Souloumiac de France Télévisions, Alexandre Fourmond de LG, Pascal Josèphe d’IMCA, Xavier Perret d’Orange et Anthony Zameczkowski de Youtube France étaient présents. Avant de donner la parole aux intervenants, Philippe Chazal a rappelé l’actualité du club. Ainsi, cette session s’inscrit dans une série de séances ayant débuté au mois d’octobre avec une session sur le dividende numérique, et qui se poursuivra au début de l’année 2011 avec une séance sur la télévision 3D. Parallèlement à ces séances, le club continue son analyse permanente des nouvelles formes de création audiovisuelle. Après une séance sur l’art numérique en octobre, le club poursuivra avec une session sur l’animation début décembre.
Alexandre Fourmond, un marché prometteur pour de nombreux acteurs Alexandre Fourmond, Directeur Marketing, Produits et Distribution de LG France a d’abord rappelé que télévision connectée, ou interactive, ne signifiait pas Internet sur la télévision. Il a alors présenté les principales attentes des téléspectateurs vis-à-vis d’un téléviseur connecté. Le téléviseur doit rester compatible avec son usage traditionnel. Jusqu’à présent, l’usage de la télévision linéaire était passif, le spectateur était guidé par l’éditeur, et cela doit rester un des éléments des usages futurs. Mais au-delà, un des objectifs à terme est de dépasser la télévision connectée pour aller vers une Smart TV qui connaît les goûts du spectateur et lui recommande des services. Des services à venir avec ces nouvelles télévisions incluant la VoD, de l’interactivité, et bien sûr des services liés à Internet comme la recherche, le partage de vidéo ou encore de la vidéo conférence. L’attente principale des téléspectateurs est d’avoir une navigation intuitive. Une des caractéristiques de la télévision aujourd’hui, c’est une navigation très simple via la télécommande et le changement de chaîne. Demain, cette navigation intuitive devra passer par une page d’accueil intégrée, une recherche facilitée, des recommandations, des contenus adaptables, mais principalement par une rapidité d’accès. Ainsi, selon les études menées par LG, le spectateur devra pouvoir accéder à son contenu en 4 clics maximum. Une seconde attente vis-à-vis de la télévision connectée est d’avoir une télévision personnalisable via des applications téléchargeables et une page personnelle. Certains spectateurs souhaitent également avoir accès à un environnement ouvert qui va au-delà de l’univers du fabricant. Ainsi, LG a mis en place un magasin d’applications sur la base de ce que font Google ou Apple sur le mobile, mais le fabricant permet également aux téléspectateurs qui le souhaitent d’avoir directement accès à Internet via la télévision. Pour faciliter l’interface, des accessoires comme un pointeur ou un clavier sont mis en vente sur le marché. Enfin, la télévision connectée doit vraiment être connectée et interactive, cela passe donc par la possibilité pour le spectateur de partager des contenus mais également d’avoir accès à des contenus interactifs, contenus qui doivent encore être développés par les producteurs. La télévision connectée n’est qu’un aspect de la convergence générale à laquelle nous assistons actuellement. Ainsi, on va passer très rapidement d’un téléviseur passif n’ayant accès qu’à des chaînes linéaires mais qui devenait interactif grâce à d’autres produits branchés, comme les décodeurs des opérateurs satellites ou les box ADSL, vers un nouvel univers dans lequel la maison devient un réseau à part entière. Une fois qu’un produit sera branché sur une télévision, tous les autres produits connectés au sein du foyer auront accès aux contenus mis en avant. Ainsi, le monde devient de plus en plus global, ce qui ouvre de nombreuses opportunités tant au niveau des contenants que des contenus. La télévision connectée a un fort potentiel économique, notamment via 3 leviers que l’on voit déjà décoller aux Etats-Unis. Ainsi, les fabricants pourront vendre leurs téléviseurs connectés plus cher, et même après une baisse des prix envisageable à moyen terme, le développement de télévisions connectées devrait aboutir à un renouvellement du parc plus régulier et donc une hausse des revenus des industriels. Les « apps stores » sont également des opportunités importantes pour les acteurs du secteur. On a pu constater le succès de la vente d’application sur les smartphones et il est probable qu’on assistera au même type de succès sur les téléviseurs connectés. Enfin, le marché publicitaire lié à ce secteur va également se développer, et générer là aussi des sommes importantes. La question est donc de savoir comment ce gâteau va se partager. Sur ce marché de la télévision connectée, de nombreux acteurs vont donc tenter de se faire une place. Si les fabricants se sont déjà lancés, et semblent pouvoir capter la majorité de la valeur de ventes des téléviseurs, ces mêmes industriels souhaiteraient également se placer plus en aval de la chaîne, et notamment sur l’organisation de plateformes de ventes d’applications. Les agrégateurs Internet lorgnent également sur ce marché des applications, ainsi que sur le marché de la publicité. Enfin, les détenteurs des contenus, c’est-à-dire les chaînes, souhaitent conserver la majorité du marché publicitaire qui leur permet de vivre aujourd’hui. Ainsi, toutes les cartes sont sur la table, chacun va jouer son jeu, et on verra qui ressortira vainqueur de cette bataille des écrans. La convoitise des acteurs se focalise aujourd’hui sur l’écran et la télécommande. Du côté de l’écran la question qui va se poser est celle de l’achat d’un nouveau téléviseur versus l’utilisation d’une boite noire ? Selon les premières études, les consommateurs souhaitent éliminer les boites noires et éliminer les fils. Pourtant, on constate également que de nombreux acheteurs viennent de renouveler leur télévision pour passer au HD. Ils ne sont donc pas prêts à investir dans un nouveau téléviseur, c’est là que le distributeur devient important. Il faut que celui-ci les oriente vers d’autres produits connectés qui puissent servir de premier pas, comme les lecteurs blue-ray, ou les homes cinéma qui permettent d’éviter d’augmenter le nombre de boites noires tout en connectant les consommateurs. Du côté de la télécommande, on constate que le téléspectateur ne souhaite avoir qu’une seule télécommande contre 4 à 6 en moyenne aujourd’hui. Ainsi, il faudra développer des télécommandes universelles, sortes de baguettes magiques, qui permettent d’accéder à la fois au téléviseur connecté, à la box, à la chaîne hi-fi… Cette télécommande doit rester simple et complète, le consommateur ne souhaite pas se retrouver avec un deuxième clavier. Il est nécessaire de maintenir une simplicité dans l’interaction avec les différents produits connectés et donc de créer de nouveaux outils répondant à tous ces critères. L’écran étant au centre de ce nouvel univers, la distribution prendra un rôle central car il faudra éduquer et former les clients à ces nouveaux usages.
Anthony Zameczkowski, qu’est ce que la Google TV ? Suite à l’intervention d’Alexandre Fourmond, Philippe Chazal a donné la parole à Anthony Zameczkowski, directeur des partenariats stratégiques de Youtube France. Celui-ci a souhaité présenter un produit lancé aux Etats-Unis, et dont on parle beaucoup en Europe, la Google TV. Ce produit existe aux Etats-Unis, mais aucune date de lancement en France n’a encore été définie. De même, la forme exacte de la Google TV en France n’a pas encore été confirmée. Il y a aujourd’hui 4 milliards de téléspectateurs dans le monde, soit 60% de la population mondiale, qui passent en moyenne 5h devant la télévision, des chiffres qui ne cessent d’augmenter. Parallèlement, on assiste également à de plus en plus de multitasking, particulièrement chez les jeunes, qui surfent sur Internet devant la TV. La télévision a donc encore de l’avenir devant elle, mais elle va devoir répondre aux attentes des nouvelles générations. Avant de présenter la Google TV, Anthony Zameczkowski a rappelé tout ce que la Google TV n’est pas. Ainsi, ce n’est ni une chaîne de télévision, ni un téléviseur. C’est une plateforme qui souhaite combiner le meilleur de la télévision avec le meilleur du web en s’appuyant sur 2 technologies propres de Google, le système d’exploitation mobile Android et le navigateur Chrome. Avec Google TV, l’écran de télévision devient multi-usages et permet non seulement de regarder de la télévision mais également de faire autre chose. C’est une plateforme ouverte pour les utilisateurs, les développeurs et les ayants droits. La plateforme deviendra d’ailleurs bientôt open source. Afin de créer le meilleur produit possible, Google s’est appuyé sur les échecs passés. Ainsi, dans le passé on a essayé de recréer le web directement sur la télévision, à l’image de ce qu’avait fait le wap sur le mobile. Le wap, c’était de l’Internet assez restreint. Lorsqu’on compare aujourd’hui le wap avec ce qui se fait sur Iphone ou Android, on constate toutes les limites du premier. Sur la télévision c’est pareil, en mettant en place des systèmes fermés, on ne donne pas la possibilité au spectateur d’aller librement sur Internet. Celui-ci est forcé de choisir entre la télévision et Internet et en général il reste sur la télévision sans pouvoir profiter des atouts du Net. Après cette introduction, Anthony Zameczkowski a présenté une vidéo de google TV afin de détailler certaines fonctionnalités de la plateforme. Ainsi, la principale fonctionnalité de Google TV est de rechercher des émissions, qu’elles soient diffusées en ce moment, disponibles en catch-up ou à venir. Dans ce cas, la Google TV pourra programmer l’enregistrement sur un disque dur. Le système est ouvert, il permet de surfer sur Internet sans limitation et de visionner simultanément une chaîne de télévision et un site Internet. Grâce à la technologie Android, la Google TV donne accès à l’Android Market sur lequel sont disponibles des applications développées par des utilisateurs. Google profite également de son savoir-faire dans la téléphonie mobile pour mettre en place des interactions entre le téléphone et la télévision. Ainsi grâce à un logiciel disponible sur l’Android Market, n’importe quel téléphone Android peut devenir une télécommande Google TV. Une autre application permet de visionner un contenu sur le téléphone puis de le glisser sur la télévision pour y poursuivre le visionnage. D’autres applications interactives sont attendues notamment grâce à l’imagination des nombreux utilisateurs-développeurs. La Google TV a également développé le côté Internet de la télévision avec la mise en favoris d’un certain nombre de chaînes et surtout de sites réalisés spécialement pour Google TV. Engin, l’opérateur américain compte sur l’accès à d’autres services comme les comptes en banque pour assoir le succès de sa plateforme. Pour conclure son intervention, Anthony Zameczkowski a expliqué que Google était actuellement en train de passer des partenariats avec des constructeurs. Aujourd’hui, l’accès à l’interface Google TV peut se faire aux Etats-Unis via 3 produits développés par deux partenaires. Ainsi, grâce à un partenariat avec Sony, Google TV est disponible sur les dernières télévisions connectées du constructeur japonais de même que sur les lecteurs Blue-Ray de la marque. De même, le constructeur Logitech a développé un décodeur spécial permettant d’accéder à Google TV. Google continue aujourd’hui de prospecter afin de développer de nouveaux partenariats. Suite à l’intervention d’Anthony Zameczkowski, certains membres ont souhaité avoir plus d’informations sur la relation entre Google et les chaînes américaines, et notamment sur les raisons qui ont poussé certains diffuseurs à refuser d’être présents sur Google TV. Anthony Zameczkowski a d’abord rappelé que tous les diffuseurs n’avaient pas refusé de passer des accords avec Google et que des partenariats avaient été signés avec Time Warner. De plus, il est également nécessaire de distinguer le flux linéaire du flux Internet d’un diffuseur. Ainsi, sur Google TV le flux linéaire des différents opérateurs reste accessible, ce n’est que le contenu web de la chaîne qui est coupé. Il est par contre difficile pour Google d’expliquer le refus de certains opérateurs américains de voir leur flux web diffusé sur Google TV. En effet, Google n’a aujourd’hui pas vocation à monétiser Google TV. L’objectif de cette plateforme, à l’image d’Android ou de Chrome est d’augmenter les usages, un utilisateur qui utilise ces plateformes aura plus d’intérêt à utiliser les produits Google en général. C’est comme cela que Google espère tirer un profit de ce nouveau produit.
Xavier Perret, une augmentation des usages à prévoir Xavier Perret, Service Partnerships & Business Development, Vice President chez Orange, a présenté l’analyse de l’opérateur télécom de ce nouveau marché de la télévision connectée. Orange a ainsi pu observer, notamment dans le mobile, que plus les débits augmentent, plus les services suivent et plus les consommateurs sont attirés par les offres. L’appétence suit donc les possibilités technologiques. L’avenir semble être à la multiplication des terminaux connectés et connectables. Et de nombreux acteurs tentent de se lancer sur ce marché à l’image de l’américain Netflix. Netflix est un pur fournisseur de VOD « over the top » qui a su faire évoluer un modèle déjà alternatif à la base. Ainsi, d’un modèle de location de DVD à distance, Netflix a su se placer sur le marché du streaming en mettant en oeuvre une proposition de valeur simple déclinée sur un nombre de plus en plus important de supports connectés. Ceci a permis à l’entreprise de démultiplier son parc adressable et donc ses clients. Au-delà de Netflix, tous les acteurs se lancent sur ces nouveaux marchés, que ce soient des start-up ou des géants qui tentent de se faire une place en lançant leur propre offre ou en rachetant des entreprises innovantes. En France, le nombre de boitiers connectés ne va cesser de croitre, il y a déjà aujourd’hui près d’une dizaine d’écrans par famille, dans quelques années la quasi-totalité de ces écrans seront connectées, ce qui aura des impacts importants sur l’ensemble des acteurs. Ainsi, les chaînes de télévision vont perdre une partie de leur contrôle sur les usagers au profit des acteurs de l’Internet. Cela va générer de nombreuses opportunités en termes d’usages, à l’image de ce qui a été fait sur le mobile. Le développement des usages mobiles a permis l’émergence de nouveaux marchés tels que les « apps stores », ou les jeux sur mobile. Il est évident que l’arrivée et la démocratisation des télévisions connectées aura un impact similaire. En tant qu’opérateur, Orange souhaite fournir à ses clients une vision convergente d’une expérience d’Entertainment connectée et interactive. L’idée est donc simple, les spectateurs seront très rapidement connectés, c’est une évolution en cours, la question est donc de savoir comment une entreprise peut gérer ce changement de paradigme. Il faut trouver le bon business model, ce qui n’est pas simple. Le développement de la catch-up est très compliqué, la télévision en direct sur Internet est très difficile à mettre en œuvre. Il faut donc chercher ailleurs. Orange continuera d’avoir un rôle à jouer dans ces nouveaux schémas, notamment en mettant en œuvre pour ses partenaires de nouvelles offres simples et adaptées aux nouveaux modes de consommation. Ces évolutions sont en cours et Orange a déjà débuté des expérimentations. Ainsi, dans le domaine de la publicité Internet, Orange a développé en partenariat avec TFI des suppléments interactifs qui permettent d’accéder directement depuis l’écran de télévision (via la box de l’opérateur) à des showcases mettant en avant le produit. Cela permet ainsi au partenaire, TFI, d’associer son flux à des espaces publicitaires. Plusieurs expériences ont été tentées notamment avec Gilette dans le cadre des écrans publicitaires diffusés avant l’émission TéléFoot. D’autres réflexions sont en cours, notamment en partenariat avec MyTF1. Dans ce cadre, Orange cherche à enrichir l’expérience MyTF1 grâce à sa box. Dans le domaine des télévisions connectées, Orange souhaite coller au plus près des attentes des clients. Une grande entreprise des médias et des télécoms ne peut ignorer que les gens vont s’acheter des télévisions connectées, il faut donc appréhender ce nouvel environnement. Cela passe par le développement d’un portail d’agrégation dans lequel se retrouvent plusieurs thématiques. Mais dans le cadre d’une télévision commandée par une télécommande, il faut mettre en place un portail qui permette d’accéder aux contenus avec le moins de clics possible. Orange a ainsi développé un portail ouvert à tous, mais avec des suppléments disponibles pour ses propres abonnés. L’aspect interactif a également été particulièrement soigné car c’est un des éléments essentiels de tout support connecté. Enfin, Xavier Perret a conclu son intervention en rappelant qu’Orange tente d’être « l’ange gardien numérique » du client, c’est-à-dire l’opérateur qui crée des outils simples pour l’utilisateur. Il est donc nécessaire d’accompagner les gens et de développer à leur contact de nouvelles fonctionnalités. C’est grâce à sa force première, sa relation avec ses clients qu’Orange peut développer des business modèles pérennes. Suite à l’intervention de Xavier Perret, et notamment sa conclusion autour de l’importance de maintenir un univers simple, plusieurs membres ont souhaité avoir la position de LG et Google sur cette notion de simplicité d’utilisation. Alexandre Fourmond a alors rappelé qu’il était nécessaire d’adapter les applications prévues sur Internet à la télévision connectée. Du côté de LG, cela passe par la préinstallation sur le téléviseur d’applications locales. L’utilisateur peut ensuite télécharger d’autres applications, et s’il le souhaite aller sur Internet. D’après les premières études effectuées par le fabricant, la volonté première des téléspectateurs reste la simplicité, une télévision n’est pas un PC. Les fabricants doivent donc concevoir des produits qui correspondent aux attentes des clients, et même si aujourd’hui les ingénieurs peuvent développer des produits très techniques, il faut que les possibilités soient adaptées aux besoins des clients et non l’inverse. Du côté de Google, la volonté est également de mettre l’utilisateur au centre de l’expérience télévisuelle. L’objectif est de personnaliser au maximum l’expérience tout en restant simple. Avec une télécommande classique il est difficile de surfer sur Internet, c’est pour cela qu’avec la Google TV des télécommandes plus développées sont fournies. Celles-ci sont dotées de souris ou de pointeurs pour faciliter la navigation web. Toute la difficulté des fabricants d’univers sur les télévisions connectées résidera dans la recherche du juste équilibre entre système ouvert donnant une grande liberté à l’utilisateur et simplicité de l’expérience.
Bernard Fontaine, la chaîne doit rester au centre Pour Bernard Fontaine, Directeur délégué aux Technologies des Nouveaux Services de France Télévisions, les téléviseurs connectés sont avant tout le fruit d’associations entre des constructeurs et des diffuseurs. Ainsi, jusqu’à très récemment, la télévision a évolué sans que le téléviseur n’ait réellement changé. Certes, on a assisté au développement de la télévision couleur et d’améliorations qualitatives comme la HD, mais rien de révolutionnaire. En 2008, les grands constructeurs sont allés à la rencontre des chaînes de télévisions pour présenter leurs nouvelles ambitions industrielles et leur volonté de faire évoluer ce qu’est le téléviseur. En effet, jusqu’à ce moment là, la télévision ne permettait que de capter des ondes, via la technologie hertzienne ou le satellite. Internet restait à l’écart, sorte de pré-carré des fournisseurs d’accès et de leurs boxes. Les constructeurs ont alors décidé d’amener de nouveaux services sur les téléviseurs via Internet, notamment des services non liés aux chaînes, comme des widgets. Ces premières décisions allaient à l’encontre de la volonté des chaînes. En effet, la diffusion de contenus de télévision qui se déploient sur un téléviseur est soumise à de nombreuses régulations de la part de l’Etat, régulations qui ne s’appliquent pas au monde d’Internet. Il est apparu nécessaire de faire émerger des solutions qui permettent à ces deux mondes de coexister. Pour cela, il n’y avait pas de recette miracle, d’un côté, il était clair que le choix des constructeurs d’équiper leurs téléviseurs d’Internet ne pouvait être remis en cause, mais de l’autre, il était évident que les chaînes devaient être écoutées. Celles-ci ont ainsi mis en avant l’intérêt de profiter de la TNT. En effet, la TNT permet non seulement d’apporter de la télévision, mais également des services à plus de 20M de foyers en broadcast, c’est-à-dire en simultané. C’est une puissance de frappe dont ne dispose pas du tout Internet. Pourquoi donc ne pas proposer des contenus paramétrés sur les ondes TNT qui seront configurés pour ensuite accéder à Internet sur les téléviseurs de dernière génération ? Les diffuseurs ont donc proposé ce challenge aux constructeurs, et le projet a été évoqué auprès des pouvoirs publics. C’est ainsi qu’à partir de 2008, plusieurs réunions de travail ont réuni les différents acteurs du secteur, industriels, diffuseurs, opérateurs télécoms, et les pouvoirs publics pour définir les fonctions techniques à intégrer dans ces nouveaux téléviseurs. Après 1 an de travail et un rapprochement avec l’Allemagne qui planchait sur les mêmes idées, une nouvelle norme européenne baptisée HbbTV (Hybrid Broadcast Broadband) est née. Cette nouvelle norme qui devrait démoder la TV connectée grâce à sa puissance beaucoup plus importante, a été finalisée au cours de l’année 2009 afin de permettre aux constructeurs de lancer un processus industriel de fabrication de ces téléviseurs HbbTV. Ce nouveau standard européen est meilleur que les téléviseurs connectés développés individuellement par les constructeurs ou les opérateurs Internet car il permet de répondre à de nombreuses questions de nature industrielle. Ainsi, là où certains projets d’opérateurs du net, comme Android, sont certes ouverts, chaque constructeur devra néanmoins s’adapter pour intégrer ce support dans ces téléviseurs, mais également les supports des concurrents de Google. Du côté des téléviseurs connectés développés par les constructeurs, c’est pour les chaînes que la complexité est importante. En effet, chaque chaîne va devoir adapter ses contenus à chaque constructeur, ce qui implique des coûts de développement très importants. Face à cette dispersion et à ces difficultés, il est nécessaire de mettre en place un standard commun afin que les téléspectateurs aient la même image sur chaque téléviseur. Cette tendance est d’ailleurs internationale puisque de nombreux autres pays sont sur la même ligne de conduite. Ainsi, le Japon a développé son propre standard qui a été repris par les sud américains afin d’avoir une technologie maitrisée par les constructeurs et utilisables par les diffuseurs. Suite à son intervention, Bernard Fontaine a fait une démonstration des possibilités offertes par une HbbTV aux membres présents. Ainsi, les membres ont pu constater que la télévision hybride permet de proposer des services directement issus du flux des chaînes. La HbbTV permet ainsi de faire du voting, Bernard Fontaine a aussi montré comment les spectateurs disposant d’une HbbTV pouvaient répondre directement sur leur télévision à la question du 20h de France2. En effet, la notification de la question est envoyée via les ondes hertziennes TNT, 100% des téléspectateurs ayant un téléviseur doté de cette norme pourront répondre A la question. Si le téléspectateur choisit de répondre à la question, le téléviseur va basculer de manière transparente sur Internet, pour permettre de faire un vote en ligne. La télévision hybride donne également accès à de nombreux contenus issus du site Internet de la chaîne mais affichés directement sur le flux hertzien. Ainsi, dans le cadre d’une émission de cuisine, le téléspectateur pourra accéder à un ensemble de contenus annexes, recettes à imprimer, biographies des intervenants, anciennes émissions… Les contenus proposés sont récupérés facilement grâce à la connexion Internet et diffusésdirectement sur la télévision, certains parallèlement au flux hertzien, d’autres de manière autonome. Laurent Soulomiac de France Télévisions a également complété les réflexions et les démonstrations précédentes.
Pascal Josèphe, c’est le spectateur qui fera la télévision connectée Suite à l’intervention de Bernard Fontaine, Pascal Josèphe, président d’IMCA, est intervenu pour donner un aperçu des évolutions possibles du marché à l’ère de la télévision connectée. Il a tout d’abord rappelé un élément essentiel de l’histoire de la création audiovisuelle, ce ne sont pas les fabricants, ni les diffuseurs, ni même les producteurs qui font évoluer les contenus et les usages, ce sont les téléspectateurs. En effet, on a pu constater tout au long de l’histoire que ce sont les utilisateurs qui ont fait évoluer les usages. Qui aurait ainsi pu s’imaginer par exemple que le SMS prenne une telle ampleur ? Dans le domaine de la télévision connectée, il est certain que là encore, ce sont les spectateurs qui feront évoluer les usages. Dans quelle direction ? Personne ne peut le dire aujourd’hui, mais ce qui est certain c’est que la télévision connectée va apporter de nombreuses surprises à l’ensemble des professionnels du secteur. Un deuxième élément sur lequel Pascal Josèphe a insisté est celui de l’économie de cette nouvelle frontière audiovisuelle. En effet, dans cette séance personne n’en a parlé, et il pourrait être intéressant d’organiser à l’avenir une séance spéciale sur ce thème. Pascal Josèphe a rappelé que la publicité jouera probablement un rôle clef pour le financement des contenus destinés à ces télévisions connectées. La publicité a ainsi été depuis le début de la télévision un des principaux modes de financement des programmes. On se souvient notamment des marques de savon qui avaient financé toute une génération de feuilletons télévisés dans les années 1960s. Il est évident que les marques joueront à nouveau un rôle central dans le financement des contenus dédiés à la télévision connectée, reste à savoir exactement comment elles joueront ce rôle ! En conclusion de cette séance, il est apparu que l’ensemble des acteurs du secteur, constructeurs, diffuseurs et agrégateurs, se préparaient à l’arrivée des téléviseurs connectés. Aujourd’hui plusieurs types de télévisions connectées sont développés par des constructeurs, mais également des entreprises du net. Plusieurs voies s’ouvrent. Les diffuseurs ne sont pas en reste, ayant eux-mêmes développés le standard HBBTV, il est clair qu’un certain nombre de règles devront être partagées par l’ensemble des acteurs. De leur côté, les téléspectateurs souhaitent que l’interface soit simple, que les contenus soient accessibles rapidement en moins de quatre clics, que l’outil d’interface, télécommande ou clavier, soit le plus facile à utiliser. Mais il existe également une forte volonté de personnalisation via la télévision connectée. Ainsi, l’ensemble des acteurs du secteur ont développé des « stores » donnant accès à un ensemble d’applications personnalisables. Enfin, il est également apparu que pour être une réussite, la télévision connectée ne doit pas donner un accès brut à l’Internet, ce n’est pas le rôle principale de la télévision. Un autre élément important qui est apparu au cours de cette séance est la question de l’accès aux contenus. L’ensemble des diffuseurs ont rappelé un des éléments principaux de la charte sur la télévision connectée, à savoir qu’un opérateur extérieur, que ce soit un constructeur ou une entreprise de l’Internet, ne peut en aucun cas diffuser des contenus issus du net sur le flux de la chaîne sans l’accord de celle-ci. Il est donc nécessaire de compter au maximum sur les chaînes dans les discussions futures. Il est évident que nous ne sommes qu’au début de l’ère des télévisions connectées, et comme pour tous les nouveaux développements techniques, ce ne sont pas les ingénieurs ou les professionnels qui feront l’avenir, mais bien les utilisateurs. Il faudra donc suivre au plus près les attitudes et les attentes des consommateurs pour avoir un réel aperçu de ce que deviendra la télévision connectée demain. Enfin, la question des contenus n’ayant pas été abordée au cours de cette séance, mais apparaissant comme essentielle à la compréhension de l’avenir de la télévision connectée, le club Galilée organisera une nouvelle séance sur ce thème au cours du mois de février.