Compte rendu de la séance du lundi 11 octobre 2010 sur le dividende numérique.
A quelques mois de l’arrêt définitif de la diffusion analogique sur l’ensemble du territoire français, le Club Galilée s’est réuni le lundi 11 octobre 2010 pour organiser, en partenariat avec le GIP France Télé Numérique, une séance sur le thème du dividende numérique. Lors de cette séance, plusieurs professionnels sont venus présenter leur analyse des différentes opportunités que va offrir la libération de nouvelles fréquences numériques. Sont ainsi intervenus lors de cette séance, Olivier Gérolami, directeur général de France Télé Numérique, Franck Lebeugle, directeur Adjoint à la direction de la technologie du CSA, Sylvain Audigier, directeur des Réseaux, de l’Innovation et des Nouvelles Technologies du Groupe TF1, Richard Maroko, directeur général des programmes du Groupe AB et Laurent Fonnet, coordinateur des antennes de Bolloré Média.
Avant de donner la parole aux différents intervenants, Philippe Chazal a d’abord présenté le programme des prochains mois du club Galilée. Suite à la réunion du 5 juillet dernier sur la notion d’actifs immatériels, un petit groupe de travail composé de membres du club et de spécialistes de cette notion se réunira au cours du mois de novembre afin de réfléchir aux modalités d’applications de ce concept à notre secteur.
Dans le cadre de son étude permanente des nouveaux lieux de création, le club prépare deux séances. Une première séance réunira le 25 octobre des créateurs dans le domaine de l’art digital afin qu’ils nous présentent leur travaux. Avant la fin de l’année, une séance sera organisée en partenariat avec le syndicat des producteurs d’animation sur le thème de la création dans le domaine de l’animation, plusieurs créateurs de ce secteur seront invités pour présenter leurs créations.
En ce qui concerne le reste de l’actualité du club, une séance sera organisée au mois de novembre pour analyser l’arrivée des télévisions connectées. Dans le cadre de la formation dispensée aux étudiants du CELSA, des travaux ont été confiés aux étudiants pour analyser le nouveau contrat social du service public avec la société. Deux groupes d’élèves étudieront ainsi les relations entre les différents services publics européens et la société ainsi que les différents groupes qui pourraient représenter la société française dans un tel débat. Enfin, un séminaire sera organisé à l’école normale supérieure sur les nouvelles écritures multimédias. L’ensemble des membres qui le souhaite pourront participer à ces séances qui se tiendront dans les locaux de l’école.
Après cette introduction, Philippe Chazal a donné la parole à Olivier Gérolami afin qu’il présente un état des lieux du basculement de la télévision analogique au tout numérique.
Olivier Gerolami, « le passage au tout numérique est un succès »
Olivier Gérolami est intervenu en premier lieux pour présenter l’activité du GIP France Télé Numérique dont il est le directeur général. Le passage à la télévision numérique implique plusieurs étapes. Après le lancement d’une première vague de chaînes TNT en 2005, il s’agit d’arrêter la diffusion des chaînes hertziennes d’ici à la fin de l’année 2011 afin de pouvoir optimiser le spectre et disposer de nouvelles fréquences à partir de 2012.
Le GIP France Télé Numérique a été créé afin d’assurer le passage au tout numérique, et donc l’arrêt de la télévision hertzienne. L’actionnariat du GIP se partage entre l’état et les différentes chaînes historiques (France Télévisions, TF1, CANAL +, M6 et Arte France). Le GIP s’est vu confié trois missions principales :
• informer et communiquer auprès des acteurs du secteur et du grand public sur le passage au tout numérique
• gérer, région par région, le passage au tout numérique
• accompagner et aider les téléspectateurs, via notamment la gestion des aides d’Etat dont peuvent bénéficier certaines couches de la population.
Au 11 octobre 2010, 6 régions de l’Est et de l’Ouest de la France étaient déjà passées au tout numérique. Ces régions représentent 14 M d’habitants soit 22% de la population française. Après un départ lent afin de s’assurer qu’il n’y avait pas de problèmes, l’arrêt de la télévision analogique va s’accélérer en cette fin d’année 2010 et au début de l’année 2011, avec notamment le passage de la région Ile-de-France au mois de mars. Les travaux du GIP continueront tout au long de l’année 2011, jusqu’à l’extinction définitive de la couverture analogique le 28 novembre dans le Languedoc-Roussillon.
Après le basculement au tout numérique de près d’un quart de la population, un premier bilan peut être tiré. Ainsi, selon les différentes vagues de sondage menées par le GIP, la population adhère massivement au projet, plus de 90% des français savent ce qu’est le passage au tout numérique et 84% trouvent que c’est une bonne chose. Les français savent donc ce qu’est la TNT et sont en accord avec cette transition technologique. Dans le cadre de sa mission de communication auprès du grand public, le GIP a axé sa communication sur plusieurs supports. Tout d’abord, il a organisé 3 vagues de publicités à la TV. Une première a eu lieu en septembre et octobre 2009 pour faire connaître et adhérer au passage au tout numérique et installer la marque « Tous au numérique ! ». Les deuxièmes et troisièmes vagues ont eu lieu en janvier/février et avril/mai afin de présenter les modalités concrètes du passage. Le GIP dispose également d’un centre d’appel pour aider les téléspectateurs avant et après le passage. Ce centre a reçu plus de 700 000 appels depuis sa création en septembre 2009 avec des pics importants lors du passage d’une région. Ainsi, le centre reçoit jusqu’à près de 34 000 appels en provenance de la région concernée lors de la semaine de l’extinction de l’analogique, ce qui représentent entre 1,6% et 2,6% des foyers d’une région qui passe au tout numérique.
Lorsqu’une région bascule, un dispositif d’information en trois temps est mis en place en partenariat avec les élus, les associations et les professionnels. Ainsi, 3 mois avant l’arrêt du signal analogique, la communication débute via des conférences de presse et l’incrustation de bandeaux sur les écrans diffusant en analogique. A M-2, la communication s’accélère autour de l’incitation à l’équipement. Ainsi, le GIP va communiquer via les journaux, la télévision et la radio, diffuser des guides, diffuser des programmes courts sur France 3 Régions et organiser des tournées d’informations. Enfin, deux semaines avant le passage, la communication s’intensifie encore plus, notamment avec la mise en place de dispositifs spécifiques sur le terrain en partenariat avec les élus, les associations et les lycées.
Ainsi, plusieurs initiatives intéressantes ont été organisées. Le GIP a ainsi formé des étudiants dans les universités et les écoles afin qu’ils puissent aider les personnes âgés à gérer le passage de la meilleure des façons. De même, les bénévoles qui participent à des réseaux sociaux de proximité sont également formés afin de venir en aides aux personnes vulnérables. Le GIP a constaté de nombreuses initiatives de solidarité, de voisinage, grâce aux mairies notamment, ou générationnelles avec des lycéens qui aident des personnes âgés.
Aujourd’hui, le passage à la télévision tout numérique est un succès. Selon les dernières études, moins de 10% de la population totale dépend entièrement d’un poste analogique, et ce pourcentage est inférieur à 1% dans les régions ayant basculé, la semaine qui suit le passage au tout numérique. Le GIP joue donc son rôle pleinement, même si plus de 25% de la population reste équipé d’au moins 1 poste analogique dans le foyer. Du côté des aides au passage, il en existe deux types, une première aide technique assurée par des étudiants ou des postiers rémunérés par l’Etat est là pour aider les personnes vulnérables à effectuer les bons réglages techniques. La deuxième aide, financière, permet aux foyers les plus démunis d’être soutenus dans l’achat d’un décodeur numérique et à l’ensemble des foyers dans les zones blanches d’acquérir une parabole. Olivier Gérolami constate que beaucoup moins de personnes que prévu ont fait appel à ces aides, dans la mesure où les foyers préfèrent acheter directement une nouvelle télévision que de s’équiper d’un adaptateur. Les aides dépensées sont aujourd’hui largement inférieures au budget alloué par l’Etat.
Olivier Gérolami a terminé son intervention en effectuant un bilan général de l’action du GIP. La population est globalement bien informée et équipée, sur le plan technique les passages ont bien fonctionné malgré quelques légers couacs, il n’y a pas eu de drames au plan humain, et la couverture TNT est bonne, plus de 95% de la population est déjà couverte. Il existe cependant quelques petits détails à régler. Ainsi, le GIP a constaté que de nombreux foyers s’équipaient très tardivement, 40% des achats ayant lieux dans les deux dernière semaines avant le passage au tout numérique, de même du côté des habitations collectives, il est nécessaire de rencontrer plus en amont les syndics de copropriété. Le GIP a également constaté que les gens qui disposaient déjà d’un équipement TNT n’étaient pas assez informés de la nécessité de relancer la recherche et la mémorisation des chaînes lors du passage au tout numérique. Près d’un quart des questions que traite le centre d’appel concernent des personnes n’ayant pas effectuées cette manœuvre. Enfin, il faut également régler quelques petits problèmes techniques notamment au niveau de la synchronisation des émetteurs entre eux.
Pourtant, dans la globalité, le passage se déroule bien, mieux que dans d’autres pays, même si les plus gros morceaux restent à venir, avec notamment l’Ile de France. Normalement, le GIP devrait être prêt pour le rendez vous de fin novembre qui permettra à la France de disposer des conditions nécessaires pour bénéficier du dividende numérique.
Franck Lebeugle, qu’est ce que le dividende numérique ?
Après avoir terminé la présentation du passage au tout numérique, Olivier Gérolami a donné la parole à Franck Lebeugle qui s’est attaché à décrire plus en détails ce qu’était le dividende numérique et comment les instances étatiques françaises avaient choisis de le partager.
Franck Lebeugle a d’abord rappelé que plusieurs définitions du dividende numérique ont été posées au cours des dernières années. L’une des premières fut celle de la Commission Européenne qui a défini en 2007 de manière restreinte le dividende comme étant « le spectre restant, après consommation de celui nécessaire à la fourniture en mode numérique des chaînes actuelles (analogiques) ». Au niveau national, la loi du 5 mars a défini de manière plus large le dividende comme « les fréquences libérées par l’arrêt de la diffusion analogique d’un service de télévision par voie hertzienne terrestre […] font l’objet d’une réaffectation par le Premier ministre aux administrations, au [CSA] ou [à l’ARCEP] […] ».
Le dividende est rendu possible par la numérisation des chaînes. On passe ainsi d’une chaîne analogique à 6 chaînes numériques sur une même fréquence. De plus, ce n’est pas seulement l’offre qui augmente mais également la qualité avec un meilleur son, une meilleure image, la possibilité de lancer des chaînes HD…
Ainsi, grâce à la numérisation des fréquences seront libérées sur le spectre des fréquences basses, et ces nouvelles fréquences font des envieux. En effet, ces fréquences basses sont également appelées « fréquences en or », car elles ont une capacité de diffusion plus large que les fréquences plus hautes utilisées par la téléphonie mobile et donc couvrent mieux le territoire. Les opérateurs mobiles estiment à plusieurs centaines de millions d’euros les économies potentielles s’ils pouvaient disposer de ces fréquences.
Une harmonisation au niveau mondial a eu lieu lors de la conférence mondiale des radiocommunications en 2007. Lors de cette conférence, une décision finale a abouti à l’attribution en statut co-primaire (c’est-à-dire à égalité de droit) de la sous-bande 790-862 MHz (soit les canaux 21 à 69) aux services mobiles et de radiodiffusion à partir du 17 juin 2015. Cette attribution est ramenée à 2012 dans un certain nombre de pays européens dont la France (Royaume-Uni, Espagne, Allemagne, Suisse, mais pas Italie, Luxembourg, Belgique) soumis à l’accord avec les pays voisins. C’est ensuite aux gouvernements nationaux de décider quels services pourront utiliser quelles fréquences, sachant que les deux services ne peuvent cohabiter dans une même bande.
Chaque service a ainsi pu faire valoir auprès du gouvernement les avantages qu’il pouvait tirer de l’attribution du dividende. Du côté des opérateurs de radiodiffusion, l’utilisation des fréquences libérées par le dividende numérique permettrait de développer de nouvelles chaînes TNT, nationales et locales, des chaînes en HD, la télévision mobile personnelle ainsi que des services interactifs. Du côté des opérateurs mobiles, ont été mis en avant la téléphonie et l’internet mobile, l’accès à des larges bandes en milieu rural permettant d’avoir un accès 3G plus large, le développement de microphones sans fils ainsi que l’utilisation de ces fréquences par les services de défense et de sécurité civile.
Le gouvernement a finalement tranché en décembre 2008. Les canaux 61 à 69 qui correspondent à la bande 790-862 MHz sont affectés à l’ARCEP (pour la création de réseaux permettant l’accès à l’internet mobile à très haut débit sur l’ensemble du territoire), les canaux 21 à 60 qui correspondent à la bande 470-762 MHz restent affectée au CSA (pour un objectif de 11 multiplexes TNT et 2 multiplex TMP contre 6 multiplexes de TNT à aujourd’hui).
Aujourd’hui, le passage au tout numérique, région par région, libère progressivement les canaux de la sous-bande, et le CSA prépare déjà l’ouverture des 5 prochains multiplexes. Un appel à candidature a ainsi déjà été lancé pour deux chaînes payantes sur le réseau R3, qui existe déjà. Un autre appel est prévu d’ici à la fin de l’année pour les 7e et 8e réseaux. Ainsi, sur le R7, deux chaînes gratuites HD et deux chaînes payantes sont prévues (ce qui laissera du débit supplémentaire libre pour la possibilité de lancer des services interactifs). Sur le R8, le CSA prévoit de placer les « canaux compensatoires » qui doivent être réservés aux chaînes TF1, M6 et Canal + en contrepartie de l’extinction totale de la diffusion analogique.
Du côté de l’ARCEP, qui gère les communications électroniques, un appel d’offre sera lancé d’ici fin décembre avec un objectif d’attribution des fréquences d’ici à mai/juin 2011. D’ici là, il restera aux deux organismes publics de veiller à ce que les deux secteurs apprennent à travailler ensemble dans la mesure où pour la première fois ceux-ci partageront des fréquences qui seront côtes à côtes.
Richard Maroko, la TNT est-elle déjà dépassée ?
Richard Maroko, directeur général des programmes du Groupe AB, est ensuite intervenu pour défendre l’analyse d’une entreprise qui après avoir lancée 3 chaînes sur la TNT, TMC, NT1 et AB1, s’en est progressivement retirée.
Il a tout d’abord constaté que nous vivions actuellement une accélération incroyable de l’évolution des technologies dans le domaine de la diffusion audiovisuelle. Cela se traduit notamment, pour les diffuseurs, par l’arrivée de la technologie HD. Aujourd’hui, la HD est une véritable problématique pour les chaînes de télévision qui hésitent encore à passer au tout HD. Or, l’évolution vers la HD totale apparaît évidente, et il est nécessaire de mettre fin à ce gaspillage qui consiste à diffuser une chaînes deux fois, sur un canal SD et sur un canal HD. Le spectre doit donc être attribué d’ores et déjà en fonction de cette contrainte en priorité à des chaînes souhaitant être diffusées uniquement en HD.
Une deuxième analyse que fait Richard Maroko est que malgré la volonté du CSA et du législateur de développer des chaînes locales, l’économie de ces chaînes, dans un contexte où la syndication n’est pas possible, est tout simplement inexistante. Il est donc nécessaire de se poser la question de la nécessité absolue de réserver des fréquences à des chaînes qui vont difficilement survivre.
Du côté de la télévision mobile personnelle (TMP), le projet semble au point mort. Le CSA avait attribué des fréquences il y a trois ans, mais aujourd’hui aucune chaîne n’a été lancée en DVB-H. Cela peut s’expliquer par plusieurs raisons.
Tout d’abord l’adéquation entre coûts et revenus publicitaires apparaît inadéquates, le projet n’est pas assez rentable. De plus, le développement de la 3G rend presque caduque le besoin d’une TMP sur les fréquences audiovisuelles. Avec l’évolution de la technologie, la diffusion de chaînes de télévision via les smartphones deviendra de plus en plus confortable. Enfin, la question d’une véritable appétence pour une télévision sur mobile peut se poser. Richard Maroko a ainsi pu le constater lorsqu’il a lancé NT1 remix en partenariat avec Orange. Cette chaîne spécialisée sur mobile était un dérivé de la chaîne mère, NT1, avec des formats courts qui auraient du séduire un public mobile. Pourtant, c’est bien la chaîne NT1 qui était la plus regardé par les téléspectateurs sur leur mobile. Ainsi, s’il existe une appétence pour regarder la télévision en mobilité, il ne semble pas y avoir une demande de formats spécifiques, contrairement à ce que beaucoup de personnes peuvent croire dans le secteur.
Au-delà de tous ces éléments, il ne faut pas oublier que la TNT sera bientôt un modèle passé. En effet, avec l’arrivée de la télévision connectée, le paysage audiovisuel va être une nouvelle fois complètement bouleversé. Ainsi, en 2015, près de 60% du parc sera composé de télévisions connectées à Internet. Les ressources rares que sont les fréquences numériques vont devenir moins rares, car elles seront doublées par la possibilité d’avoir accès à des contenus sur la télévision via Internet et donc de faire fi des différentes fréquences. Le risque de voir la télévision linéaire disparaître est réel à long terme avec la création d’un écosystème qui fera que les catalogues seront exploités par les nouveaux acteurs de l’Internet que sont Google ou iTunes.
L’évolution à court terme est moins évidente car il y aura toujours une préséance des grandes chaînes qui pourront parler à un public large. Mais la question de demain est celle de la menace qui pèse sur les diffuseurs classique de la par des providers. Il y a un vrai risque de basculement de la publicité vers ces nouveaux acteurs. Dans un tel cadre, la question du dividende numérique sera une question dépassée, dans le sens où l’on sera dynamiquement sur d’autres problématiques. Il est donc nécessaire dès maintenant d’accompagner sur le plan réglementaire et législatif ces évolutions qui seront fondamentales. Le dividende doit être bien géré, mais l’équilibre général se fera sur la répartition des énergies et des sommes générées par les utilisateurs.
Sylvain Audigier, renforcer la qualité des chaînes actuelles
Sylvain Audigier, Directeur des Réseaux, de l’Innovation et des Nouvelles Technologies du groupe TF1 a présenté l’analyse de la situation d’un acteur historique de la télévision en France. Pour ce qui est de TF1, le groupe constate que pour l’instant le passage au tout numérique se passe très bien. Les populations des zones ayant basculées sont contentes, le calendrier est bien tenu et les réclamations sont bien inférieures à ce que l’on attendait. Pour l’instant le passage est une réussite.
Après cette brève introduction, Sylvain Audigier a rapidement présenté l’historique de l’utilisation des fréquences hertziennes par la télévision. Ainsi, on constate que les fréquences ont été très mal utilisées dans le cadre de la télévision analogique. Les canaux adjacents à chaque fréquence n’étaient pas utilisés, il existait des canaux brouilleurs qui nécessitaient également une utilisation restreinte de la bande, le nombre de chaînes pouvant être diffusées sur la bande hertzienne était donc très réduit. L’arrivée de la TNT a d’abord posé le problème du positionnement des fréquences TNT entre les fréquences hertziennes. Sachant que la TNT a une puissance 10 fois intérieure à la télévision hertzienne, celle ci ne perturbe pas l’analogique il est donc possible d’entrelacer les fréquences analogiques et TNT avec quelques contraintes de puissance et de gabarits. Le nombre de chaînes TNT a donc été limité dans le cadre de la coexistence des deux technologies.
Une fois l’arrêt de l’analogique effectué, il est possible de modifier de plan de fréquence et de débrider les multiplexes TNT. Grâce à l’utilisation des canaux analogiques, 5 à 10% de couverture supplémentaire est libérée ce qui implique notamment de re-scanner le décodeur comme cela a déjà été indiqué.
Sylvain Audigier a également rappelé comme Franck Lebeugle que du côté de la télévision, le CSA prévoit le lancement de 8 multiplexes TNT plus 2 multiplexes TMP, mais cela devrait évoluer dans le futur, notamment du côté de la TMP qui semble de plus en plus un projet mort-né. A plus long terme, d’autres plans sont à l’étude, notamment le plan Bessoin qui prévoit un schéma en 11 + 2, c’est-à-dire 11 multiplexes TNT et 2 multiplexes TMP. Ce plan reste cependant très théorique.
En ce qui concerne le groupe TF1, celui-ci souhaite rappeler quelques éléments qui lui paraissent essentiels. Tout d’abord, il paraitrait dangereux d’élargir le nombre de canaux gratuits. Comme on a pu le constater récemment, l’arrivée de nouvelles chaînes a eu comme effet une diminution des ressources globales du secteur. Il apparait donc plus judicieux d’élargir le nombre de chaînes HD, et affecter les fréquences restantes à des canaux compensatoires pour les chaînes historiques. En conclusion, il faut privilégier une affectation des fréquences sur des éléments qualitatifs plutôt qu’aller vers une optimisation déraisonnable du spectre et une explosion du nombre de chaînes.
Laurent Fonnet, la concurrence est nécessaire
Laurent Fonnet, Coordinateur des Antennes au sein de Bolloré Média a tout d’abord souhaité rappeler que le groupe Bolloré était présent dans les deux univers concernés par le dividende numérique, les télécoms avec Bolloré Telecom et l’audiovisuel avec Direct 8, et depuis quelques temps, Direct Star et un certain nombre de chaînes locales.
Du côté de l’univers des télécoms, Bolloré a peu de chances de devenir un grand opérateur, et l’opérateur ne souhaite pas aller au-delà de son positionnement actuel de MVNO. Pourtant, le groupe Bolloré souhaite que l’arrivée de ces nouvelles fréquences permette d’augmenter la concurrence, au moins à travers les MVNO.
Du côté des Médias, Laurent Fonnet rejoint Sylvain Audigier et Richard Maroko, la HD doit être la référence, surtout dans le cadre économique actuel. En effet, aujourd’hui, les coûts d’une diffusion multi-format sont gratuits sur le câble, très faible sur le satellite (1M€) et très élevés sur la TNT. Avec un coût de 12M€ par an, il faut que l’audience nationale d’une chaîne comme Direct 8 augmente de 0,4% pour couvrir cet investissement. Il est donc évident que la cohabitation entre les deux formats est un vrai frein et que la HD doit devenir la référence. Le développement de la HD comme unique format de diffusion d’une chaîne devrait permettre la création de nouvelles chaînes. Plus les concurrents seront nombreux sur le secteur, mieux cela sera !
On constate, en effet, qu’avec le temps de nombreux nouveaux entrants ont disparu de la télévision. Le groupe AB s’est retiré au profit de TF1 et Bolloré a racheté la chaîne Virgin à Lagardère. Ainsi, en 2010, la notion de groupe remplace la notion de chaîne, mais que les acteurs restent les mêmes. Ainsi, si rien n’est fait, la TNT n’aura rien changé au paysage audiovisuel. Il est donc nécessaire d’utiliser le dividende numérique pour accroitre la concurrence sur ce secteur.
Enfin, Laurent Fonnet a souhaité revenir sur l’analyse de Richard Maroko. Il est aujourd’hui évident que l’aspect économique de la TNT est important, la TNT coûte cher et prend du temps à s’installer. De l’autre côté, les constructeurs sont de plus en plus actifs dans le développement du parc de télévisions connectées. Les chaînes doivent donc faire attention et surtout veiller à ce que les coûts de diffusion sur la TNT restent raisonnables pour des opérateurs dont les audiences tournent en général autour de 3%.
Suite aux différentes interventions, plusieurs membres présents dans la salle ont souhaité poser des questions. Ainsi, certains membres ont souhaité avoir plus d’informations sur la cohabitation entre les secteurs télécoms et de la télévision dans un contexte de convergence. Pour Olivier Gérolami, la multiplication des usages vidéo et de la consommation de la TV sur internet est déjà une réalité aujourd’hui. Cette convergence va être accentuée par le développement de nouvelles offres mobiles rendues possibles par le dividende numérique. On va ainsi assister à l’arrivée de nouvelles technologies comme l’internet haut débit mobile, notamment sur les réseaux 4G. La convergence est donc évidente, et d’autres pays l’ont bien compris à l’image de la Grande-Bretagne qui a unifié ses autorités de régulation des télécoms et de la télévision.
Du côté des normes de diffusion, la HD est entrain de tout balayer. Selon une étude de l’institut GfK, la majorité des foyers français, soit 55,5% de la population, est équipé d’au moins un téléviseur HD. En 2010, sur 100 TV vendues, 98,5 sont des postes HD. Sachant qu’il s’est vendu l’an dernier 8,3M de postes de télévision, et qu’il y en aura près de 10M en 2010, il est évident que l’équipement des ménages en HD est en cours. La HD est donc la norme, et la SD n’a plus de raison d’être. Il est ainsi nécessaire d’optimiser la bande de fréquences TNT avec un passage le plus rapidement possible de toutes les chaînes en HD. Le coût ne sera pas si important dans la mesure où au rythme de développement actuel, dans très peu de temps les coûts de diffusion d’une chaîne en SD et en HD seront les mêmes.
D’autres questions ont été soulevées sur les services interactifs rendus possibles par le dividende numériques. Sur ce domaine, le CSA réfléchit aux différents services qui pourraient être offerts. Ainsi, un livre blanc est actuellement en rédaction. Celui-ci devrait déboucher sur un appel à candidature de services interactifs qui sont moins gourmands en spectre qu’une chaîne de télévision. Un service qui pourrait être lancé rapidement est un service de guide des programmes qui n’existe pas actuellement sur la TNT.
Le CSA travaille également sur la TV connecté avec Emmanuel Gabla qui a rencontré récemment les grandes majors. Selon ces acteurs, la télévision connectée n’est pas la fin de la télévision linéaire, les majors souhaitent que les chaînes restent les acteurs majeurs d’interaction avec le public. Les TVs connectées sont aujourd’hui principalement poussées par les constructeurs qui souhaitent ainsi renouveler le parc.
TF1 a mis en place un partenariat avec les constructeurs de télévisions HD afin de favoriser la réception de sa chaîne TF1 HD. Ainsi, lorsqu’un téléspectateur achète une télévision HD et l’installe, la télévision va automatiquement paramétrer la chaîne TF1 HD dans le canal 1 et non version SD de la chaîne, cela sans même que le spectateur s’en rende compte.
Le groupe TF1 est également conscient des risques que présente l’arrivée des téléviseurs connectés. De nombreuses annonces sont actuellement faites, principalement de la part d’opérateurs américains comme Google ou Apple. Or, on ne peut pas laisser ces opérateurs être les seuls à innover. La France doit être offensive et pas uniquement défensive. Dans ce cadre, des discussions sont en cours avec le CSA sur le projet TNT 2.0 qui via un nouveau standard permettrait de lancer la HBBTV (Hybrid Broadband Broadcast TV), c’est-à-dire une connexion entre la TNT et le portail TF1 sur Internet. L’idée du groupe TF1 avec l’apparition des télévisions connectées à Internet est de mettre en place des portails qui permettent de garder le téléspectateur dans l’univers de TF1 que ce soit via la chaîne diffusée en linéaire ou via le site internet. Les chaînes de télévision peuvent se différentier des grands opérateurs comme Google grâce à leur capacité d’édition. En se voyant offrir, au sein de l’univers de la chaîne des contenus déjà triés, le spectateur sera plus à l’aise que noyé dans l’offre trop large et non différentiée d’un opérateur comme Google.
La possibilité de lancer des appels d’offres conjoints entre le CSA et l’ARCEP afin d’encourager les acteurs des deux secteurs à travailler ensemble et à être inventif parait aujourd’hui compliqué. En effet, les principes d’attribution ne peuvent pas être les mêmes car les opérateurs de télévision ne peuvent pas s’aligner sur les télécoms.
En ce qui concerne les évolutions technologiques comme la 3D ou la super HD qui se développent notamment au Japon, le CSA est confiant que les industriels proposeront de nouvelles technologies qui pourront être intégrées dans le spectre.
Pour ce qui concerne les prochains mois, le CSA travaille actuellement à un appel d’offre dont les conditions seront très prochainement rendues publiques. Le CSA ne souhaite pas pour le moment communiquer sur les différentes obligations, notamment éditoriales qui seront réclamées.
En conclusion, il apparait que le dividende numérique est un sujet d’actualité très important. Le GIE France Télé Numérique travaille actuellement au basculement complet du pays dans l’univers numérique et à l’arrêt définitif de la télévision analogique. Pour l’instant cette nouvelle étape de l’histoire audiovisuelle du pays se passe très bien, et les résultats sont même supérieurs aux attentes.
La libération des fréquences analogiques va donc laisser la place à de nouvelles fréquences. La partie haute de ces fréquences sera réservée aux opérateurs télécoms afin qu’ils puissent développer de nouvelles offres intégrant notamment la télévision sur mobile. Du côté de l’audiovisuel, la bande basse du spectre restera dédiée à la télévision et de nouvelles chaînes de télévision ainsi que des services interactifs devraient bientôt voir le jour.
Du côté des opérateurs de diffusion, la TNT reste un enjeu important, et il est évident qu’il faudra rapidement passer au tout HD afin de diminuer les coûts et améliorer la qualité de diffusion. En ce qui concerne la stratégie à suivre pour la distribution des fréquences libérées, les propositions diffèrent selon les opérateurs. Les opérateurs historiques sont plus favorables à une amélioration de la qualité de diffusion et à la distribution de canaux bonus, alors que les nouveaux entrants souhaitent privilégier la concurrence.
Enfin, l’un des éléments sur lequel l’ensemble des acteurs sont d’accord c’est pour dire que la TNT risque d’être rapidement distancée par l’arrivée d’une technologie comme la télévision connectée. C’est dans cette optique que le club Galilée organisera très prochainement une séance sur ce thème central à l’avenir de notre secteur.