Session du 16/02/2015
Compte rendu de la réunion du Club Galilée qui a eu lien en février sur la thématique de « la filière économique ».
Cette session du Club Galilée est la première d’une série qui va occuper toute l’année 2015. Cette série a un double objectif : d’une part se concentrer sur quelques priorités pour le secteur de l’audiovisuel et faire sur ces priorités des propositions destinées à nourrir les programmes des partis de gouvernement. D’autre part, inscrire le secteur de l’audiovisuel dans le cadre des problématiques générales concernant l’ensemble de l’économie et de la société. Avec, à chaque fois si possible, un invité de référence extérieur au secteur avec qui le dialogue peut se développer dans cette perspective.
Première session donc : comment faire que le secteur de l’audiovisuel puisse intégrer au titre des contenus la filière du numérique considérée comme prioritaire en matière de politique économique. Dans cette perspective est rassemblé un panel de professionnels permettant d’incarner les différentes dimensions du secteur de l’audiovisuel en tant que filière économique. C’est ce double enjeu que présente en introduction à la séance Philippe Chazal. Il donne pour une brève introduction générale de la filière du numérique la parole ensuite à Loïc Rivière.
Celui ci présente la filière du numérique, ses dimensions de filière et le rôle du Comité Stratégique de filière qu’il préside. Il rappelle que la filière du numérique est à la fois horizontale et verticale. Horizontale dans la mesure où elle irrigue tous les secteurs de l’économie. Verticale car elle constitue un vaste ensemble d’acteurs économiques et sociaux dans les domaines des technologies (informatique, télécom), mais aussi des services (logiciels) et déjà des contenus (jeux vidéo). Cette filière, telle qu’elle est aujourd’hui, réunit déjà des producteurs de services et de contenus. Elle rassemble aussi bien de très grands groupes (Apple, Microsoft, Alcatel, Orange, CISCO, Capgemini…) que des PME et de plus en plus de start up. Cette filière concerne aussi bien le web que les télécoms, l’informatique, l’électronique « grand public » notamment, l’e-commerce… Donc la filière du numérique est une filière très diverse et très puissante
Thomas Tassin du Cabinet Rise prend ensuite la parole pour proposer une approche de cette filière afin de mieux en définir les problématiques communes à tous ces sous-ensembles. Notamment en prenant quelques exemples illustrant l’engagement de la BPI dans le financement de l’innovation et la création de « champions » européens et mondiaux. Il ajoute que, dans son horizontalité, le numérique a besoin de maitriser l’image et le son. Exemple dans la santé. Le secteur et les professionnels de l’audiovisuel peuvent être par rapport à cette maitrise des partenaires essentiels.
En conclusion on peut considérer que la filière du numérique s’est déjà élargie au delà des technologies et des services aux contenus et que, pour son développement horizontal et vertical, elle a besoin de l’audiovisuel.
Jérôme Caza poursuit à la fois en tant que producteur audiovisuel et ancien Président du SPI (Un des deux principaux syndicats de la production audiovisuelle).
Il rappelle que le secteur de l’audiovisuel est d’abord constitué de PME et de TPE. Des sociétés très spécialisées. Dans différents types de création, d’innovation et de production. Quelques « champions » de taille européenne aussi. Mais pas assez de financement de la R&D dans ce secteur. Et une concurrence accentuée depuis quelques années sur les marchés national et international avec des groupes européens.
L’enjeu pour le secteur c’est de trouver le bon équilibre entre le tissu de producteurs indépendants qui doivent conserver leur liberté et la constitution de groupes capables de rivaliser avec les plus grands sur le marché européen et international.
Le numérique bouleverse le secteur de l’audiovisuel comme il bouleverse les autres secteurs. Il bouleverse en particulier la création audiovisuelle : participation des usagers, multi-écrans, contenus digitaux nouveaux notamment courts comme par exemple les « tutos »… Mais l’audiovisuel reste dans cette révolution un secteur clé car il sait raconter des « histoires » et qu’il ne peut avoir développement de nouveaux réseaux numériques et de nouveaux écrans numériques sans nouveaux contenus audiovisuels qui sont aujourd’hui des facteurs d’attractivité majeurs pour le numérique. C’est la puissance du « soft power ».
Après Jérôme Caza qui a rappelé la richesse du tissu des PME, Christophe Nobileau qui représente le groupe Telfrance partie du groupe Newen et plaide pour la nécessité de faciliter la montée en puissance de « champions français » dans le secteur de l’audiovisuel. Il souhaiterait que le secteur soit reconnu et organisé comme une filière ou en l’occurrence comme une filière de la filière du numérique. En effet dans l’audiovisuel la compétition est plus que jamais mondiale. Il faut, selon lui, innover en permanence et se rapprocher des standards internationaux.
Pour cela des moyens financiers très importants doivent être mobilisés pour le financement de la R&D et de l’innovation. A l’exemple de ce que parvient à mobiliser la filière du numérique. Le défi de la reconquête du marché national dans certains genres et surtout la conquête des marchés étrangers est clé.
Mathieu Béjot intervient alors au nom de TVFI, organisme qui a pour objectif d’accompagner les sociétés de l’audiovisuel à l’exportation. On est dans un monde de l’hyper offre en matière de contenus audiovisuels. Beaucoup de demandes de contenus audiovisuels donc et, cela, dans le monde entier. C’est bien entendu une chance pour les producteurs de contenus. Le marché est devenu mondial aussi bien du coté de l’offre que de la demande. De nouveaux continents émergent mais avec des moyens encore limités.
Le numérique est à la fois un nouveau marché à l’exportation au delà des acteurs « traditionnels » de l’audiovisuel et une nouvelle dimension dans laquelle les contenus doivent aujourd’hui se déployer. Le marché prend donc aujourd’hui des formes nouvelles. Exemple : les « formats ». Et une extension nouvelle.
Ce sont des mutations auxquelles il faut savoir s’adapter. TVFI est en première ligne dans ce combat international. Dans cette perspective TVFI est en train en particulier de construire une plateforme numérique pour exposer dans le monde entier et en permanence la création et l’innovation française en matière audiovisuelle et faciliter l’exportation en dématérialisant les supports techniques.
Ensuite, Stéphane Martin, en tant que Président de l’AFDAS prend la parole sur les questions de l’emploi et de la formation, dimensions essentielles d’une filière et de celle que constitue l’audiovisuel. Rappelant d’abord que l’AFDAS qui collecte les cotisations des entreprises au titre de la formation professionnelle contribue activement à la cohérence du champ d’activité des industries créatives et culturelles. Elle participe plus spécifiquement à la structuration du secteur de l’audiovisuel en filière en réunissant les entreprises de production, de diffusion et des industries techniques de l’audiovisuel. Et en s’adressant à toutes les populations de professionnels et de salariés du secteur : « intermittents », permanents, auteurs, journalistes…
L’AFDAS montre qu’en matière d’emploi et de formation le secteur de l’audiovisuel est capable de se structurer afin de relever les défis des mutations professionnelles notamment celles liées au numérique, la montée en gamme de certains métiers, l’accompagnement des nouveaux talents. La nouvelle loi sur la formation professionnelle peut constituer, dans la perspective de la structuration de la filière, une chance nouvelle pour le secteur.
Patrick Cocquet intervient ensuite au nom de Cap Digital, le pôle de compétitivité du numérique qu’il dirige. Il rappelle que Cap Digital regroupe beaucoup d’acteurs du numérique ; qu’il s’agisse des technologies numériques, des services numériques ou même aussi des contenus numériques. Il est aussi un lieu de dialogue entre acteurs, d’expérimentation, d’accélération de l’innovation, et d’accompagnement à l’exportation pour le numérique. On peut ainsi dire que Cap Digital est à la croisée de la dimension horizontale du numérique et de la dimension verticale du numérique. A ce titre il peut être non seulement un guide mais un facilitateur pour l’intégration du secteur de l’audiovisuel dans la filière du numérique.
Patrick Cocquet insiste sur le fait que la révolution numérique est à la fois un problème mais aussi une chance, engendre de la destruction de valeur mais aussi de la création de valeur. Les défis de l’audiovisuel et du numérique sont semblables sur de nombreux points. En particulier vivifier un tissu de PME, rattraper le retard en termes d’exportation, favoriser l’éclosion de nouveaux talents, adapter les métiers aux nouveaux défis…
Il plaide pour la constitution dans le numérique comme dans l’audiovisuel d’un écosystème favorable aux starts up et donc à la création d’emplois et à la construction de « champions » mondiaux.
En conclusion en réponse à ces présentations, Loïc Rivière est favorable à l’ouverture d’un processus d’intégration de l’audiovisuel à la filière du numérique permettant à celle-ci de s’élargir aux contenus après l’extension de la filière aux services.