Les exportations de programmes séance du 21/10/2013
Deuxième session du Club Galilée de la rentrée depuis septembre 2013
Lors de la précédente session, le Club Galilée s’est concentré sur un travail prospectif qui méritera encore de nouvelles séances en collaboration avec le Commissariat général à la stratégie et à la prospective qui accueille ces réunions notamment dans le cadre du travail d’analyse conduit par cette institution sur la France dans 10 ans.
Séance co-animée par Philippe CHAZAL et Mathieu BÉJOT
Panel :
Nathalie GASTONE
Cédric HAZARD
Laetitia RECAYTE
Frédéric VAULPRÉ
Problématique :
Le Club Galilée et TVFI, dans le cadre de cette séance, ont voulu travailler sur la question de l’exportation des programmes audiovisuels.
L’exportation est bien entendu une question particulièrement clé à l’heure de la mondialisation.
C’est une question qui dépasse l’approche habituelle de l’exportation. C’est cette approche globale que le Club se propose de développer avec le panel réuni.
Dans un premier temps, il s’agit de faire un point sur l’exportation des programmes audiovisuels. Quelle est la situation actuelle des exportations françaises en matière de programmes audiovisuels ? Quels sont les genres qui sont exportés ? Quels marchés étrangers sont concernés par les exportations françaises ?...
Mais quand on parle d’exportation, il faut aussi parler d’importation. Aujourd’hui quelle est la situation de notre marché domestique en matière d’importation ? Nous pouvons notamment constater que malgré les quotas et les obligations d’investissement dans la création nationale, la présence des produits étrangers est particulièrement importante dans les domaines de la série de fiction et du divertissement.
Nous interrogerons sur l’état du marché international les organisateurs au sein du Reedmidem des principaux marchés de l’audiovisuel dans le monde qui se tiennent en France deux fois par an : les MIPTV et MIPCOM.
Enfin, il nous semble très important que nous nous posions à l’heure de la mondialisation, la question de l’exportation de nos talents et de l’accueil en France des talents étrangers. A-t-on mis en place les dispositifs favorisant ces mouvements ?
Voici une approche du marché international qui, à partir de la question centrale de l’exportation, doit nous inviter à nous interroger sur la place de la France dans l’audiovisuel mondial dans toutes ses dimensions.
L’ensemble de ces réflexions va dessiner quelques perspectives que nous pourrons retenir comme prioritaires.
Elles feront apparaître les atouts à valoriser et développer, les retards qu’il faut combler, les nouveautés qu’il s’agit de favoriser et les mutations et les abandons que nous devons accepter avec les accompagnements à mettre en place. C’est donc les traits d’une politique avec les priorités et les choix à faire qui se dessinera.
Comme pour chaque réflexion, le Club Galilée associera dans cet exercice l’ensemble des institutions, organismes, professionnels et entreprises du secteur.
Compte rendu :
Pour Mathieu Béjot, l’international n’est pas une priorité pour l’audiovisuel en Francecomme l’a montré lamoindre affluence, la semaine dernière, à la table ronde sur cette thématique lors des rencontres parlementaires de l’audiovisuel.
On a du mal en France à parler de l’export en matière de programmes audiovisuels. C’est pourtant essentiel : les recettes à l’export représentent 130 millions d’euros, 230 millions avec les droits. Cela représente beaucoup au niveau français : nouveaux programmes, nouvelles sociétés, nombreux téléspectateurs. Cette industrie à l’exportation est constituante du soft power français.
Il est à noter qu’il y a une croissance de 15% à l’export en France. Si l’on établit une comparaison, les Anglais font certes plus de la moitié de leur commerce avec les Etats-Unis et l’Australie mais si on enlève ces pays, on est dans un ratio de 1 à 3 entre la France et le Royaume-Uni.
La langue anglaise aide donc mais la réalité ne se réduit pas à cette question. On n’est pas plus mauvais que d’autres.
L’animation représente 35% de notre export. C’est une vraie industrie, car c’est le genre qui voyage le plus facilement compte tenu des facilités concernant le doublage. En Documentaire, on se situe à 25% de l’export, mais pas dans le factual entertainment, ou la scripted reality, car nous sommes différents du marché international. La Fiction, en tant qu’exportation et influence, redémarre à l’international. Le format est, quant à lui, à égalité avec la fiction.
Un point sur la réalité des programmes qui s’exportent.
Où exportons-nous ? L’Europe de l’Ouest représente moins de 50% à l’international pour la 1ère fois à cause de l’Italie et l’Espagne qui sont en crise et ont ainsi largement diminué leurs importations.
Trois régions, Russie, Asie, Amérique du Sud sont en progression. Les Etats-Unis avec les nouvelles plateformes s’ouvrent à l’export international car ces opérateurs commencent à avoir de l’argent. Netflix et Hulu sont des acteurs majeurs et relais de croissance. Ils n’ont pas la même manière d’éditorialiser les contenus que les chaînes.
Philipe Chazal émet une réserve et nuance les bons résultats en évoquant une baisse des préachats et coproduction. Est-ce un signe à prendre en compte ?
Pour Mathieu Béjot, on ne peut pas tirer de conclusion sur ces chiffres. Ce sont des cycles, il suffit d’un ou deux programmes pour que les chiffres changent. Il est vrai que c’est difficile avec les grandes chaines. Mais méfions-nous des évolutions sur des périodes courtes (à l’année) car l’économie est en baisse.
Philippe Chazal donne la parole à Laetitia Recayte, Gagnante du prix TVFI à l’export en fiction au titre d’Engrenages.
Laetitia présente son catalogue n’excluant aucun genre.
La fiction est très importante pour nous car c’est un genre en volume et en expérience. C’est le genre le plus dur à vendre. On le disait invendable, puis on a vécu l’expérience Engrenages commandé par CANAL+. Son parcours est intéressant et a ouvert de nombreuses portes comme pour Les revenants.
La première vente c’est la BBC. Le producteur n’avait jamais pensé à l’export de la série. Quand on est venu le voir pour l’exporter, il était étonné. Il pensait que les Etats-Unis et le Royaume-Uni n’étaient pas envisageables.
En un délai très court, 4 mois de vente, la magie était avant tout économique. Les programmes à produire sont très chers pour la BBC. Mais l’on est arrivé au bon moment : c’est un programme exotique mais qui répondait aux standards internationaux. Le formatage sur la forme et le fond, la volonté éditoriale a changé les choses.
Les prix de l’export en fiction sont clairement dus à la volonté de CANAL+
Philippe Chazal : Cédric Hazard, dans le documentaire quel est l’état général ?
CH. : Arte France représente les programmes de la chaine. Sur le catalogue uniquement documentaire, il y a 75% de coproductions avec la chaine. On peut distribuer aussi des programmes autres.
La marque Arte est très reconnue à l’international parmi les chaines de TV. Les gens viennent voir ce qui se passe dans le « laboratoire » ARTE.
Sur la distribution, le genre documentaire est très vaste et varié. On ne vend pas qu’un genre. Le marché documentaire n’est pas formaté en matière de durée. Le marché est en pleine expansion pour nous. Arte distribution est à 5 - 10% d’augmentation annuelle.
Les chaines revoient à la baisse les prix des acquisitions. Aujourd’hui, toutes les chaines ont développé d’autres chaines, et de nouvelles plateformes. Les premiers contacts confirment les bonnes négociations.
Les collections restent au centre de notre nouvelle stratégie avec Palette, Design, et les unitaires… Chaque année de nouveaux épisodes sont produits et cela permet d’enrichir nos catalogues.
On est partenaire avec les producteurs. La question de l’exportation est capitale pour les producteurs, et ils viennent voir leur distributeur. Nous investissons 16 000 euros à valoir pour un documentaire, une vente à Planète c’est 2000 euros. L’aide du distributeur est capitale et peut faire la différence.
La chance de chaines comme Canal+ et Arte, c’est de voir passer tous les projets.
Sur les spectacles, on est très peu présent en distribution à cause des financements. En termes d’écriture documentaire, le genre français possède une patte. On vient chercher la différence « Française » en matière de documentaire.
En réponse à des questions de la salle, Cédric Hazard, précise que la situation est très différente selon chaque genre. En animation, la France est le 3ème exportateur, la France est très reconnue au niveau mondial. L’accueil pour les séries d’animation est très favorable. Nous avons une place très importante.
Laetitia Recayte complète pour la fiction. Pour la fiction, que mettre en avant ? Depuis 3 ans, tous les pays exportent leurs fictions, donc la concurrence explose. Il faut un positionnement fort pour les Français pour remporter la bataille contre les autres. Paris reste un endroit qui fait rêver, et la France a des atouts. « Le sang de la vigne » on la vend bien parce que c’est la France qui est mise en avant. Notre pays est un atout et trouver des éléments différentiant est fondamental.
Quant aux prix d’achats cela varie de 50 euros de l’heure à 300 000 euros de l’heure.
Philippe Chazal s’étonne de ne pas avoir trouvé en regard des chiffres des exportations, ceux des importations. Il a constaté qu’il n’y a pas de document officiel mesurant la balance commerciale française dans le domaine des programmes audiovisuels.
Il lance un appel au CNC ou au ministère du Commerce extérieur pour les calculer. On ne sait pas si nous somme déficitaires, de combien…Tous les secteurs économiques connaissent leurs balances commerciales…et pas l’audiovisuel.
Il faut que cette situation change. Cela permettra notamment à l’audiovisuel de parler comme les autres secteurs de l’économie de parler aux ministères de l’économie, du commerce extérieur… et d’obtenir des aides à l’export.
Philipe Chazal donne la parole à Frédéric Vaulpré qui représente ici l’organisateur de l’un des principaux marchés internationaux de programmes audiovisuels qui se tient deux fois par an en France. Il s’agit du MIPV et du MIPCOM.
Au MIP, on publie des études, cela ne bouge pas trop quand on regarde les revenus des chaines. Dépenses de programmation : 85 milliards en 2008 contre 90 milliards en 2012.
Le Royaume-Uni est en progression tout comme les Etats-Unis. Néanmoins, l’Espagne et l’Italie sont en baisse depuis 2 ans. Il existe un espoir !
Aujourd’hui, l’acquisition a progressé. Quand on regarde dans le détail :
- le Royaume-Uni est un acteur majeur. Très organisé dans sa vente avec la BBC. Deuxième exportateur de série. Downtown Abbey vendu dans cent pays avec des records d’audiences dans le monde.
- En France, cela bouge un peu.
On constate une mutation très importante des marchés internationaux comme le MIPTV ou le MIPCOM. D’un marché multi-régional ils passent à un marché mondial. Ainsi :
- Aujourd’hui, la Turquie devient exportatrice. La présence de la Turquie est très forte au MIP.
- Un pays comme le Vietnam s’ouvre avec une grande délégation vietnamienne au MIP.
- L’Inde transforme Bollywood en séries.
- Le Niger est un grand pays producteurs, et ils sont venus avec une délégation forte au MIP.
Chaque MIP, 300 programmes sont promus, mais ce n’est que le sommet de l’iceberg.
Sur les deals au MIP, on voit la montée en puissance du numérique et de ses acteurs. C’est la seconde grande mutation du marché international.
C’est un signe d’espoir. Plus de 1000 acheteurs VOD plateforme au MIPCOM ; en augmentation. Ils commencent à avoir des budgets d’acquisitions significatifs et investissent dans les programmes.
Dans les derniers deals, un portail chinois a fait affaire avec Shine et Fremantle sur des ready-made.
Le Tunnel a été mis en avant au MIPCOM. Il y a un vrai progrès dans la fiction française, et cela va donner envie à d’autres.
Philipe Chazal retient la mutation du marché de multirégional à mondial. Aujourd’hui tout est global. Et bien entendu la montée en puissance des nouveaux acteurs du numérique.
Il donne la parole à Nathalie Gastone qui s’occupe des clients français au MIP. La France, c’est le 3ème client sur le MIP TV et COM. Le MIP Junior est très important pour l’exportation française compte tenu de l’animation, 600 acheteurs, plus de 1000 programmes dans la vidéothèque, R&D, 38 000 actes de visionnages en 2 jours. Sur le Top 20, 10 des programmes sont français sur 100 pays représentés en général.
Sur l’animation, on a une concurrence aigue de l’Asie et la Russie (3 pavillons, format, animation, et numérique).
Et il ne faut pas oublier les autres déclinaisons du MIPV : Mip Doc, Mip Format…
Conclusion de la séance :
Dans le cadre d’un partenariat entre TVFI et l’Incubateur formats du Club Galilée, Philippe Chazal annonce la création en 2014 du prix récompensant le meilleur format à l’exportation.
Il rappelle que le programme du MIP Format 2013 a beaucoup servi pour ses rencontres. Il y avait le monde entier. Mais pas de français sauf l’initiative du Club.
Dernier questionnement en guise de conclusion, pourquoi n’y a-t-il pas d’aide à l’export dans les aides du CNC ? Sous la forme d’un bonus pour les producteurs qui montent des coproductions internationales ou qui vendent à l’étranger ? Ou même pour la version en anglais par exemple ce qui contribuerait pourtant à l’exportation et à la promotion des programmes audiovisuels français…
En conclusion, un marché global dans lequel il faudra trouver sa place ; en amont, les créateurs et les producteurs français et en aval, les distributeurs ont des atouts; encore faut-il investir massivement dans la R&D et la formation ; et revoir l’organisation de la mobilisation du financement ; la dimension industrielle du secteur devrait être davantage prise en compte. Notamment quand on parle de formats.
Prochaines séances du Club :
- En novembre, les nouveautés de la rentrée télévisuelle de 2013
- En décembre : séance avec le CSA, question de société sur l’obésité avec Christine Kelly.