Les médias face à la crise - séance du 26/09/2012
Séance de rentrée
Le Club Galilée organise sa séance de rentrée sur le thème de la crise avec une double problématique. Demander à chaque intervenant du panel d’une part, de présenter les deux ou trois dossiers importants du secteur et d’autre part, en considérant la branche des médias comme un secteur comme les autres d’insister sur les questions générales de cette rentrée qui concernent notre secteur. Ainsi traiter la crise dans les médias en même temps que la crise en général.
- Panel:
Jérôme CAZA - SPI et 2P2L
Thierry de SEGONZAC - FICAM
Pascal JOSEPHE - IMCA
Stéphane MARTIN - ARPP
Virginie MARY - SNPTV
Christophe PAULY - CFDT médias
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Avant d’entrer dans la séance du jour annonçons le programme des prochaines sessions. En octobre, est prévue une séance sur l’industrie des formats, ce sera également l’occasion de présenter un projet que porte le Club et qui a reçu le soutien des ministères des finances et de l’industrie. En décembre, nous reprogrammerons la séance sur le cinéma qui n’avait pu avoir lieu avant la pause de l’été. Dans cette optique, nous inviterons les responsables des filiales cinéma des principaux diffuseurs.
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Revenons à notre thème du jour « les médias face à la crise » Le panel de la table ronde rassemble tous les points de vue du secteur, diffuseurs, producteurs, responsables syndicaux, professionnels du cinéma ou de la publicité.
Thierry de Segonzac, Président de la FICAM, prend la parole en premier au nom de la filière des industries techniques, un secteur à la recherche des voies du rebond par rapport à la grave crise qu’il traverse depuis quelques années.
D’emblée, il précise que si les indicateurs économiques ne sont pas bons, cette période favorise surtout un état d’esprit qui a tendance à installer un climat anxiogène. Une sinistrose qui devient une excuse pour l’immobilisme. En période de crise, on prend moins de risques, les projets sont mis en attente, repoussés. Pour Thierry de Segonzac, cette attitude est aux antipodes de la réalité qui est faite d’opportunités économiques. Il critique vivement cet état de léthargie qui paralyse la filière des industries techniques et de la production.
Dans un second temps, le président de la FICAM explique que la filière des images a connu de profondes mutations techniques qui ont bouleversé son fonctionnement et son économie. Deux chocs : 2006-2008 celui de la technologie numérique ; 2009-2011 celui de la numérisation des salles. Le CNC a mis au point un vaste plan de numérisation des salles. En trois ans nous avons changé de système. Beaucoup d’acteurs ont eu recours à l’autofinancement pour se répondre au changement.
Philippe Chazal demande à Thierry de Segonzac si les dispositifs généraux liés au « grand emprunt » et aux investissements d’avenir ont pu être mobilisés. Réponse négative.
Ce plan de numérisation des salles a bien entendu été accompagné d’un plan de reconversion et de formation du personnel concerné.
Enfin, Thierry de Segonzac se montre inquiet vis-à-vis de la décision de Bruxelles qui selon lui ne veut plus en compte l’exception culturelle française dans le cas des industries techniques. L’objectif d’éradiquer toute territorialité des aides serait une catastrophe pour le secteur.
Il évoque aussi la jurisprudence « free » à propos des taxes sur la FAI. Aujourd’hui les pure players ne soutiennent pas suffisamment la production et sont soumis à des règles plus lâches. De plus, bien souvent ils ne sont pas sur le territoire français.
Pour le cinéma, la délocalisation est un véritable problème. Pour l’illustrer, Thiery de Ségonzac nous donne quelques chiffres sur le secteur. 33% des films sont délocalisés pour des raisons sociales ou des crédits d’impôt plus attractifs. 66% des films de plus de 10 millions partent tourner à l’étranger. Un phénomène qui se généralise et ne touche plus seulement le 7ème art. Depuis le début 2012, 25% des fictions sont produites à l’étranger. En effet, lorsque les projets et les montants de production sont très lourds, les co-producteurs européens interviennent et poussent pour produire en dehors de France.
Thierry de Segonzac avance cette statistique très parlante : un film français avec un budget moyen, c’est une PME de 20 salariés pendant 12 mois. Un argument de poids pour les producteurs. Selon lui la solution pour le secteur est avant tout de trouver des partenaires de haut DE bilan capables de soutenir les projets.
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Jérôme Caza, Président du collège télévision du SPI, prend ensuite la parole pour présenter la vision de la crise du point de vue des producteurs et des PME et TPE de production audiovisuelle.
Il souligne d’abord que pour les producteurs en région, le carnet de commande est proche de zéro pour cette fin d’année 2012. De manière générale pour 2012, l’engagement des chaînes EN documentaire a déjà été tout utilisé, quant à la fiction, les tournages sont reportés à 2014. Cette baisse de la commande est le fait des acteurs privés comme publics. Insistons sur l’effondrement en cette dernière partie d’année des commandes de la part de France télévisions. Cette baisse n’est pas conjoncturelle. Du côté des chaînes privées, on constate une baisse de 16% en volume depuis 2009.
On doit reconnaître que l’arrivée de D8 est perçue par les créateurs comme une bonne nouvelle car elle annoncerait des projets plus ambitieux et qualitatifs. En effet on doit constater jusqu’à présent l’investissement de la part des nouveaux entrants de la TNT reste faible, 2% de volume engagé au COSIP. Le projet sur la télévision en clair de Canal+ est de mieux financer les fictions françaises actuelle.
Cependant Jérôme Caza précise qu’on ne voit pas de solution pour créer DU dynamisme. M6 mise essentiellement sur l’acces et la short comedy, il n’y a quasiment plus de fiction en prime time sur cette chaîne. HD1 va probablement recycler le catalogue de TF1.
La tendance est à l’émergence de documentaires low cost. En fait, deux extrêmes cohabitent : les projets de très haut de gamme d’une part et les programmes hyper low cost d’autre part. La production du milieu faiblit. Nous retrouvons ici la tendance qui a touché le cinéma il y a quelques temps.
Jérôme Caza souligne les problèmes de trésorerie évidents des petits producteurs. Le CNC a, de plus, pris du retard sur le traitement des dossiers. Le CNC verse 70% des aides dès que le dossier est traité. Le traitement du dossier prend quatre mois environ. Aujourd’hui il y a beaucoup de dossiers en souffrance et autant de producteurs qui ne reçoivent pas de financement préalable. Ce retard et cet engorgement créent une situation très préoccupante pour le secteur de la production en particulier des documentaires.
A la crise actuelle à la fois spécifique et générale, s’ajoutent les conséquences des décrets de 2009 soit -258 millions d’investissement dans le secteur qui ont crée de nombreux déséquilibres.
Ainsi la mutualisation pour les obligations des diffuseurs comportent des effets pervers. Le cas de TF1 par exemple : en 2008 : 184 million investis ; en 2009 le groupe TF1 investit 167 millions.
Ajoutons que les obligations sont indexées sur les recettes qui elles-mêmes baissent du fait de la crise.
Enfin Les chaînes privés historiques et la TNT diffusent en prime time : 8% d’œuvres patrimoniales et 48% d’œuvres américaines, un ratio qui ne favorise pas le développement du tissu des PME et TPE françaises. La production d’œuvres patrimoniales dépend beaucoup trop de France Télévisions et Arte.
Jérôme Caza ouvre également le chapitre du numérique. Il regrette que les acteurs de l’internet ne finance pas la création Ainsi Google TV et les autres acteurs n’apportent aucune réelle contribution au financement des contenus dont ils profitent.
Selon Jérôme Caza, depuis 2009, il y a eu beaucoup d’erreurs dans le timing des décisions prises pour le secteur par les pouvoirs publics. La ministre a précisé que le COM serait renégocié avec une augmentation de la part de création. Une réforme sur le service public sera engagée. L’occasion de réfléchir à la notion de service public, de réformer les décrets sur les inédits et L’indépendance.
Pour Jérôme Caza et les producteurs audiovisuels qu’il représente, les dossiers urgents en cette rentrée sont : le financement du service public et de France télévisions en particulier la réforme des décrets ; les quottas sur les chaînes privées ; l’inclusion des SMADS et des plateformes dans l’économie de la création audiovisuelle ; les positions de Bruxelles : enfin la mise en place d’une contribution de la part des acteurs mondiaux du numérique
Jérôme Caza conclut sur une note positive en ajoutant que nous nous trouvons à un vrai tournant, ce qui est excitant, il faut faire évoluer les mentalités et casser les corporatismes. Il est aussi indispensable d’augmenter la part de R&D. Un sujet sur lequel le Club a déjà mis l’accent.
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Guillaume Gronier intervient au nom de l’A.C.C.e.S et des chaînes thématiques qui représentent 16% du chiffre d’affaires de l’ensemble des diffuseurs pèsent 1,4 milliard de chiffre d’affaires. Un secteur qui reste déficitaire globalement dû à des entrants, à des paris ratés comme celui de la TV d’orange. 2/3 des chaînes sont à l’équilibre ou bénéficiaires et 1/3 déficitaires. La structure de leur chiffre d’affaire est la suivante : 3/4 provient de l’abonnement et le reste de la pub et d’autres revenus. L’A.C.C.e.S constate une stagnation des revenus d’abonnements et une baisse nette des ressources publicitaires compensée par les autres revenus.
En ce qui concerne l’abonnement et la distribution, Guillaume Gronier marque l’inquiétude des chaînes thématiques vis-à-vis de la situation inquiétante de Numéricable.
Bien entendu, l’encouragement au développement de la télévision gratuite avec la nouvelle offre en TNT et les déséquilibres que cela provoque pose problème à la télévision thématique et la fragilise. D’où la nécessité de mesures spécifiques pour rééquilibrer.
Les FAI ne jouent pas le jeu de la télévision payante, ils ne contribuent pas suffisamment au développement de celle-ci.
Enfin la TV connectée ouvre des perspectives qui peuvent être sources de déstabilisation des chaînes thématiques. Sur un même écran cohabiteront des acteurs qui n’auront pas les mêmes obligations, une question d’équité se pose.
Il y a trois dossiers prioritaires pour les chaînes thématiques en cette rentrée 2012. Tout d’abord, l’érosion de l’abonnement, c’est-à-dire une baisse du nombre de foyers abonnés. Cela s’explique par des raisons générales comme la baisse du pouvoir d’achat mais aussi le développement d’une offre gratuite. Les FAI ont en effet développé l’idée d’une télévision gratuite ou presque incluse dans une offre triple play. Ils ne font pas suffisamment leur métier de distributeur.
Ensuite les acteurs étrangers européens ou internationaux, simplement « autorisés » ne sont pas soumis aux mêmes obligations que les diffuseurs français. Or ils représentent 20% de l’offre. Cela crée une vraie dissymétrie.
Enfin troisième dossier urgent en cette rentrée : les obligations de programmes qui ne sont pas suffisamment adaptés aux chaînes thématiques qui représentent néanmoins 12% du financement du documentaire.
Le modèle lié à l’abonnement s’essouffle. Olivier Zegna Rata souligne qu’il y a eu en réalité une mutation du modèle de l’abonnement. L’offre des FAI comporte des abonnements à des chaînes payantes. Les personnes ont alors accès à des chaînes payantes sans trop s’en rendre compte. Un phénomène qui se répand mais dont la croissance n‘est pas constitutive pour le secteur car ce que reversent les FAI aux chaînes est dérisoire. On pourrait alors parler de télévision payante gratuite.
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Virginie Mary est déléguée générale du SNPTV, elle intervient sur la ressource publicitaire. Elle évoque tout d’abord un paradoxe entre un média, celui de la télévision, qui d’un côté se porte bien en termes d’audience et de matériel vendu et de l’autre un marché publicitaire télévisuel en souffrance.
Il existe des raisons exogènes à cette situation de marché. La France a sous-investi en publicité. Un domaine qui pour les annonceurs possède une valeur d’ajustement baissière et reste donc le premier touché en cas de crise. Les annonceurs se montrent frileux et les investissements stagnent. Pour Virginie Mary, il faut reconsidérer la question du retour sur investissement de la publicité.
Mais il y a aussi des raisons endogènes. La fragmentation de l’audience avec le câble, le satellite, la TNT et le numérique joue un rôle déterminant dans la modification de l’écosystème qui impacte l’ensemble du secteur. Nous constations une évolution négative du GRP qui perd 14% de valeur entre 2007 et 2011.
Virginie Mary explique que la télévision connaît une révolution des usages et contenus avec aujourd’hui une multitude de devices et une explosion de la temporalité. La perspective de la TV connectée pose la question de la cohabitation de la télévision et d’internet et de leurs régimes publicitaires très différents ; d’un côté le contingentement avec la télévision ; de l’autre la liberté quasi-totale avec internet.
La puissance du média TV s’affaiblit ce qui rend difficile l’évaluation de l’impact d’un spot de pub. La télévision connectée confronte les annonceurs à cette question de la valeur.
Le marché de la publicité doit se réinventer et créer de la valeur. Quelle est la valeur de la publicité ? Quelle est la monnaie de l’audience ? Pour Virginie Mary, il est important de réfléchir à de nouvelles relations commerciales ? Et de nouveaux contenus publicitaires, question aussi de création et de créativité.
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Stéphane Martin prend ensuite la parole au nom de l’ARPP. Au sujet de la publicité, il explique que le fond et la forme ont évolué.
La forme. Au contraire des programmes, la publicité n’est pas HD car le surcoût ne peut pas être intégré. Des difficultés qui traduisent les contraintes des annonceurs et des agences.
Le fond car il faut intégrer le fait que le monde d’avant n’existe plus. Plus que de crise, Stéphane Martin préfère parler de mutation. En effet, le consommateur ne réagit plus de la même manière car il dispose de nouveaux outils, en ce sens, il cherche aujourd’hui à mieux consommer. Bien entendu, l’inégalité de régimes entre la télévision et internet qui se profile avec la TV connectée est préoccupante. De manière générale on a assisté avec la fragmentation de l’audience TV à un processus continu de destruction de valeur, qu’internet a accentué.
L’ARPP observe que les annonceurs sont à présent entrés dans la stratégie NON DE consommer moins mais DE consommer mieux. Cela a des conséquences directes sur les stratégies de communication. On replace le consommateur au centre du processus, on développe de nouvelles manières de communiquer en apportant du contenu (plus qualitatif) et de l’expérience consommateur.
A la télévision, c’est le grand retour de la publicité comparative. La guerre des prix démonte les problématiques de pouvoir d’achat. Le low cost a trouvé sa place, il est aujourd’hui un vrai segment de marché. Sur internet, il n’existe pas encore de véritable modèle économique. Le challenge des régies publicitaires est bel et bien de retrouver de la valeur, ce qui implique souvent de refonder le système.
Stéphane Martin précise que 2013 ne s’annonce pas positif en terme de marché publicitaire. La loi de compétitivité doit en ce sens être un soutien. Notamment si la proposition du crédit impôt communication est reprise. Il ajoute également en guise de conclusion que les métiers de la publicité irriguent tous les métiers de la culture. Il invite à la vigilance aussi vis-à-vis d’une part des travaux de la mission Lescure et d’autre part d’une éventuelle fusion entre l’ARCEP et le CSA.
Christophe Pauly est secrétaire général du Syndicat national des médias CFDT. La fédération les secteurs de l’audiovisuel et des télécoms, en phase donc avec la convergence numérique, en 2005. Elle a pour ambition de trouver des réponses aux questions sociales et économiques à la fois individuelles pour les adhérents et les salariés et collectives pour les entreprises. Son objectif central est de construire des accords entre salariés et entreprises.
Il met l’accent sur les conséquences de la crise pour les employés et nous dresse ainsi un portrait de la crise vue et ressentie par les salariés. La crise a un impact sur les emplois et les personnes. Cet impact est violent notamment sur le plan psychologique. La morosité touche aussi les salariés qui ont un sentiment d’absence et de vide. Il est selon lui primordial de faire en sorte que le travail ne soit moins une contrainte mais davantage un facteur d’épanouissement personnel
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Christophe Pauly souligne les contradictions du secteur. On constate une démultiplication des lieux de consommation, une augmentation des produits. Exemple parmi beaucoup d’autres : les six nouvelles chaînes de la TNT. Et pourtant cette explosion liée notamment à internet ne crée presque pas d’emploi nouveaux en plus des équipes déjà existantes et formées.
Sur la question de la prise en compte du secteur audiovisuel comme un secteur comme un autre, Christophe Pauly apporte quelques nuances. Tout comme un autre secteur, en effet les médias sont concernés par la crise et les évolutions technologiques. Cependant, selon lui, il n’est pas exactement un secteur comme un autre, et ce pour trois raisons. La première est qu’il est constitué pour partie de journalistes avec une convention collective de métiers. La deuxième, c’est qu’il donne l’accès à l’intermittence et donc à une dérogation de l’assurance chômage. Enfin il possède une structuration très émiettée par branche pour les salariés et les entreprises.
Voilà un secteur qui accumule les spécificités. La majorité des entreprises comporte moins de 10 salariés, 1/3 d’entre eux seulement sont en CDI. Pour un secteur relativement petit , 150 000 salariés, il y a environ 30 organisations d’employeurs, 10 de salariés et 10 conventions collectives – conçues comme des forteresses dans des territoires pourtant poreux – avec autant de grilles de salaire.
Selon Christophe Pauly, c’est donc un modèle unique qui a encore des efforts à faire pour qu’il puisse être considéré comme les autres. L’ensemble du secteur doit avoir conscience que les choses vont évoluer. La formation professionnelle est une réponse à ces changements. Christophe Pauly ajoute qu’il y a une très grande dispersion des règles sociales pour un secteur petit. Un socle conventionnel applicable à l’ensemble de la branche doit être posé et recherché.
Parmi les dossiers prioritaires propres au secteur figurent la question de la précarité qui s’est accentuée ces dernières années et le statut d’autoentrepreneur ne peut pas être considéré comme une solution, la sécurisation des parcours professionnels, la situation sociale du service public, les annexes 8 et 10, la formation tout au long de la vie, et la gestion individuelle des compétences.
A ce titre le dispositif mis en place pour les salariés de l’exploitation confrontés à la numérisation des salles de cinéma est exemplaire. Christophe Pauly au nom de la CFDT radio TV, pour ce qui concerne les dossiers qui dépassent le secteur des médias, sera bien entendu très attentif aux négociations sociales générales qui s’ouvrent cet automne entre le MEDEF et les organisations syndicales, en particulier sur la question de la « flexisécurité ». Les projets de contrat d’avenir et de contrat de génération constituent aussi de sujets de grand intérêt.
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Pascal Josèphe prend la parole et clôt cette session de rentrée sur la crise. Il explique d’abord que le secteur est pris dans un effet ciseau avec d’une part la crise économique qui a des effets négatifs sur le marché publicitaire, la principale ressource des médias et d’autre part la révolution numérique qui active de nouvelles formes de consommation, distribution, production.
Une croissance dont les pure players se sont déjà emparé. Ainsi la révolution numérique prend à revers les acteurs historiques qui ne répondent pas assez vite au changement. Pascal Josèphe l’affirme, nous sommes en plein changement de paradigme, en plein dans les effets de la loi Moore. Nous avons vécu longtemps dans le « doux » confort de l’exception culturelle.
Pour les personnes, cela signifie apprendre à vivre autrement avec moins d’argent, à développer de nouveaux modèles de consommations. Dans ce contexte, les médias se doivent d’avoir une réflexion sur leur propre utilité sociale. Libérés des contraintes qui relèvent de l’ancien monde, ils seront plus souples, plus rapides. Afin de se préparer à ce changement, il est absolument nécessaire de développer un politique de R&D, cela signifie, Pascal Josèphe le dit clairement : ajouter un zéro au budget dédié. C’est ce que la BBC a fait pour attaquer le marché américain et y trouver une place. Le pendant de la R&D, c’est la formation, car elle permettra d’affronter les mutations en cours et de s’adapter plus facilement aux changements qui bouleversent le secteur. Pascal Josèphe souligne que dans le domaine du numérique, il n’existe à ce jour aucune formation, pas de formation initiale et encore moins continue.
En France, les médias s’emploient beaucoup à tout faire par eux-mêmes dans la crainte d’être dépendants. Pascal Josèphe pense qu’il est idiot de se priver de lier des partenariats avec d’autres acteurs qui ont les savoirs faire complémentaires. France Télévisions a des années de retard en matière de numérique, un retard qu’il ne pourra peut-être pas rattraper seul. A l’étranger, la stratégie c’est l’alliance, pour mutualiser les compétences, c’est un dispositif gagnant-gagnant qui permet de gagner du temps et de l’argent.
Pascal Josèphe ajoute qu’il est important d’accélérer la recherche de nouveaux modèles de financement. Il faut trouver de nouveaux leviers. En ce sens le numérique est une source précieuse. M6 par exemple ne réalise aujourd’hui plus que 50% de son chiffre d’affaires par la publicité, le reste provient d’activité de diversification plus ou moins éloignées du secteur des médias. De ce fait, son modèle apparaît moins fragile que celui de TF1.
L’exploitation des marques-média et des marques-programmes est une autre piste à envisager, c’est ce que font Le Figaro et Le Monde par exemple.
Enfin, on ne peut pas oublier le rôle des médias dans la démocratie. De ce point de vue, le secteur n’a rien à voir avec les autres, il comporte des fonctions déterminantes et des finalités que devraient soutenir les pouvoir publics.
Selon Pascal Josèphe, il est indispensable d’afficher haut un devoir et une utilité sociale. En effet, il le réaffirme : le monde des médias doit s’interroger sur lui-même notamment dans le contexte de la crise, une situation qui va s’aggraver et dans laquelle, les personnes auront besoin des médias pour mettre en perspective les événements, pour éviter tous les intégrismes.
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Tout au long de cette séance, nous avons été confrontés aux points de vue des acteurs du secteur sur l’avenir des médias et les problèmes posés la crise.
Une session qui a permis de poser les enjeux spécifiques au secteur de la part des producteurs, des diffuseurs, des industries techniques, des acteurs de la publicité et du point de vue des salariés et d’une des organisations qui les représentent.
La session a permis aussi de replacer le secteur des médias audiovisuels dans le cadre plus général de l’économie dans son ensemble confrontée à la crise.
Chaque présentation a mis en exergue des statistiques utiles qui illustrent parfaitement la situation et témoignent des dégâts causés par la crise, des conséquences des mutations technologiques mais aussi des propositions de solutions à apporter.
Sur ce point, le Club Galilée fait trois propositions concrètes :
• D’une part porter à la connaissance des pouvoirs publics et de la représentation nationale un résumé de cette séance mettant en avant les principaux points d’inquiétude et de proposition.
• D’autre part mettre en place un atelier spécifique au sein du Club afin de mieux articuler la politique générale et sa déclinaison au secteur des médias. Nous avons en effet le sentiment que les solutions endogènes vont de plus en plus rencontrer leurs limites et que la solution peut venir de l’application au secteur des médias de mesures générales.
• Enfin le Club Galilée présentera lors de sa prochaine séance un dispositif auquel il travaille depuis déjà quelques mois avec certains de ses membres et qui a recueilli le soutien des pouvoirs publics. Ce dispositif associe R&D, innovation, PME et formation, les termes affirmés en fin de session et qui semblent correspondre aussi aux priorités politiques actuelles.
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